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Henry Marionnet et son Sauvignon Franc de Pied

Concours Mondial du SauvignonDe nos jours, la quasi-totalité des vignes sont greffées sur des porte-greffes pour empêcher le retour du puceron mortel, le phylloxéra. Dans le Val de Loire, sur une partie de son vignoble, Henry Marionnet a fait le choix de se passer de cette précaution qui s’impose habituellement. David Cobbold revient sur les résultats de ces expériences.

 

1,5 hectare de Sauvignon blanc non greffé
La Touraine, région du Val de Loire en apparence si calme et paisible, recèle aussi quelques mystères, mais il ne s’agit pas ici de sorcières qui se déplacent sur des balais ! Parmi ces mystères, figure une petite parcelle de 1,5 hectare de sauvignon blanc non greffé. Plantée à partir de boutures en l’an 2000, elle produit depuis un vin remarquable sans avoir, jusqu’à présent du moins, été touchée par le redoutable puceron, le phylloxéra vastatrix. L’homme à l’origine de ce phénomène très peu courant s’appelle Henry Marionnet. Il travaille aujourd’hui avec son fils Jean-Sébastien sur le domaine familial, le Domaine de la Charmoise, à Soings. Ils y élaborent une gamme de vins issus non seulement de sauvignon, mais aussi du cépage blanc rarissime, le romorantin, ainsi que de gamay et de cot (alias malbec), majoritaires.

 

Aucun indice dans les sols
Qu’est-ce qui a donc poussé Henry Marionnet à aller à l’encontre de ce qui semble être une évidence pour la plupart des vignerons ? Le phylloxéra est endémique et tuera tôt ou tard toute vigne qui n’aura pas été greffée sur un porte-greffe résistant. Et il se trouve que cette évidence s’est avérée, comme l’ont découvert à leurs dépens certains amis vignerons d’Henry, lorsqu’ils ont tenté de suivre son exemple. Alors je lui ai demandé, pourquoi sa parcelle de vignes non greffées survit-elle à la bête ? Il ne le sait pas, et personne n’a encore trouvé la réponse ! Il n’y a rien de particulier dans les sols. En d’autres termes, il s’agit d’un terroir argilo-calcaire assez classique avec un peu de silex. Il n’est ni sablonneux, ni sous l’eau, ce qui empêcherait le puceron de creuser des tunnels jusqu’aux racines pendant la phase de son cycle de vie qu’il passe sous terre. C’est pendant cette période-là qu’il trouve les racines du vitis vinifera particulièrement savoureuses ! Henry se demande s’il ne faut pas chercher l’explication dans la présence de plantes aromatiques, c’est-à-dire une plante endémique qui sécrèterait un insectifuge naturel. Mais il avoue que le mystère reste intact.

 

Un autodidacte
En effet, il y en a énormément. La Belgique est moins orientée vers les vins blancs. Notre cave française se situant sur la Côte d’Opale, nous y commercialisons beaucoup plus de vins blancs et énormément de sauvignons. C’est un cépage qui plaît bien, pour sa fraîcheur et aussi en accompagnement des plateaux de fruits de mer consommés dans cette région côtière. Les accords mets et vins sont toujours très jolis parce que le sauvignon gomme l’iode. C’est le choix numéro un pour ce type d’alliance. Nous travaillons avec de grandes maisons de sauvignon et sommes plutôt sur des profils d’appellation. Pour les vins de cépage du Sud, c’est à nous de les faire découvrir parce que les gens n’iront pas spontanément les chercher. Ils ne s’imaginent pas qu’il peut y avoir du sauvignon dans le Sud. Ils n’associent pas le Languedoc par exemple avec le sauvignon alors qu’il s’en produit des magnifiques dans cette région. J’ai également demandé à Henry Marionnet s’il trouvait que les vignes non greffées se comportaient différemment. Il a évoqué un rendement légèrement inférieur dans la plupart des millésimes et une maturation un petit peu plus tardive. En revanche, il n’a noté aucune différence au niveau de la résistance aux maladies par exemple.

 

Une dégustation comparative unique en son genre
Il en découle que, chez Marionnet, on a la possibilité unique de déguster, côte à côte, des sauvignons blancs issus de vignes greffées et non greffées, élaborés de la même manière et provenant de parcelles quasi identiques. La cuvée issue de vignes non greffées s’appelle Vinifera et, au niveau gustatif, elle se distingue bien de la version classique, provenant de vignes greffées. Pour tenter de résumer les différences, on pourrait dire que la cuvée Vinifera est plus corpulente, plus riche et plus profonde sur le plan des saveurs, avec peut-être une typicité sauvignon de Loire moins marquée et une acidité qui semble plus faible. Le 2016 que j’ai dégusté m’a paru à la fois plus chaleureux et plus rond que la version greffée, et dans l’ensemble plus complet sur le plan gustatif. Je n’ai jamais été un grand fumeur, mais je comparerais la différence à une cigarette avec filtre et une sans filtre, la version non greffée s’apparentant naturellement à la cigarette sans filtre.

Je suis quasi certain que nous avons beaucoup perdu à cause de cette impérieuse nécessité, dans la vaste majorité des cas, de greffer nos vignes. Peut-être qu’un jour, nous trouverons une explication au mystère Marionnet. En attendant, il est possible de découvrir la différence moyennant un investissement plutôt modeste, car le Vinifera Sauvignon de Marionnet se commercialise à un peu moins de 20 euros, alors que la version standard ne coûte que 12 euros.

 

Source : Comité de pilotage Sauvignon Blanc, David COBBOLD
Les organisateurs du Concours Mondial du Sauvignon ont mis en place un comité de pilotage composé de 8 professionnels du vin ayant des compétences rédactionnelles et une connaissance du cépage. Ils constitueront, au fil des mois, un fonds documentaire dans lequel professionnels et consommateurs pourront aller puiser pour en savoir plus sur ce cépage aujourd’hui omniprésent dans le monde, mais qui n’a sans doute pas encore révélé toutes ses qualités et ses spécificités.
Les membres du Comité de pilotage : Sharon Nagel : journaliste freelance (Royaume-Uni/France) ; David Cobbold : journaliste à Vino BFM, Les 5 du vin (Royaume-Uni/France) ; Pedro Ballesteros : Master of Wine (Espagne) ; Roberto Zironi : chercheur-professeur (Italie) ; Valérie Lavigne : chercheur-professeur (France) ; Philippo Pszczolkowski Tomaszewski : œnologue-professeur (Chili) ; Paul White : journaliste au World of Fine Wine, Decanter (Nouvelle-Zélande, Etats-Unis, France) ; Christian Eedes : rédacteur en chef du WineMag.

 

 

www.cmsauvignon.com – Prochaine édition 8 au 10 mars 2019 à Udine (Italie)

 

 

Une réponse à “Henry Marionnet et son Sauvignon Franc de Pied”

  1. Thierry Dussard dit :

    Brilliant ! cette comparaison entre vignes greffées et non greffées avec les cigarettes filtres et sans filtres, pour ma part je préfère les Cork tipped de Craven A qui n’avaient même pas le goût de bouchon ! Ty Du

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