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L’évolution des styles de sauvignon blanc : une affaire de mode ?

Concours Mondial du SauvignonIl ne fait aucun doute que le profil gustatif du sauvignon blanc a subi une transformation profonde ces dernières années. David Cobbold analyse les raisons de ce changement et la manière dont il s’opère.

 

 

J’ai dégusté mes premiers sauvignons blancs de Nouvelle-Zélande en 1986, lorsque mon collègue James Lawther MW a rapporté quelques flacons d’un voyage effectué dans ce pays. Ces vins m’ont épaté car ils brillaient de mille arômes, portés par une vivacité qui n’était pas la marque d’un défaut de maturité. Ces vins apportaient une bouffée d’air frais extraordinaire car ils ne ressemblaient ni à la production de la Loire, ni à ce qui se faisait avec ce cépage à Bordeaux ou en Californie à cette époque. Ce nouveau style a pu exister grâce à quelques fondamentaux liés au climat et à la viticulture : un ensoleillement maximum, une pluviosité réduite, des températures nocturnes faibles, un risque réduit de gelées aux moments critiques et des sols drainants et pas trop fertiles. Et regardez le résultat ! Marlborough, qui ne produisait guère de vin à cette époque, élabore aujourd’hui 75% de la production nationale, et le sauvignon blanc représente 85% de ce volume.

 

 

Eviter la répétition
La réussite progressive du sauvignon blanc néo-zélandais sur les marchés mondiaux a inauguré un nouveau style, imité ailleurs dans l’Hémisphère sud. A la recherche de nouveaux marchés, des pays comme l’Australie, l’Afrique du Sud ou le Chili ont planté du sauvignon et  tenté de suivre l’exemple de la Nouvelle-Zélande. Mais, comme souvent quand un style devient trop dominant, il y a eu des réactions à l’encontre des versions les plus simplistes et répétitives. Je n’étais pas totalement surpris d’apprendre, lors du symposium dédié au sauvignon blanc à Graz en Autriche en 2008, que la quasi-totalité du vignoble néo-zélandais utilisait un seul clone de sauvignon blanc, et que la majorité des producteurs avait recours aux mêmes levures. Pas mal de choses ont changé depuis, et pas seulement en Nouvelle-Zélande, car la diversification est une des règles du jeu marketing lorsqu’un marché atteint sa phase de maturité. Parmi les méthodes susceptibles d’induire ces différences figurent des plantations en coteaux, l’abandon de l’irrigation lorsque les conditions le permettent, une plus grande diversité du matériel végétal et l’emploi de levures indigènes.

 

 

En quête de l’effet terroir
L’exploration de nouveaux sites viticoles a constitué un facteur clé dans l’émergence d’une plus grande diversité de styles de sauvignon blanc élaborés dans le Nouveau Monde. Si la notion française de terroir et son influence sur les profils des vins a pu se construire au fil des siècles, les pays du Nouveau Monde ont dû accomplir ce travail en un laps de temps bien plus court. Au Chili, par exemple, la recherche de sites offrant plus de fraîcheur que la Vallée Centrale a permis le développement de zones comme Casablanca ou Leyda, qui sont propices au cépage sauvignon blanc. Des cas similaires existent dans tous les pays. A Marlborough, des plantations à Rapaura ou Awatere ont donné naissance à de nouvelles expressions du sauvignon néo-zélandais. En parallèle, et en phase avec les vins de haut de gamme de Sancerre en France ou de Steiermark en Autriche, des sélections parcellaires constituent une tendance forte pour permettre la mise en valeur de vins de haute volée.

 

 

Plus de profondeur et de finesse
Mes dégustations pendant les éditions successives du Concours Mondial du Sauvignon, ainsi que mes voyages dans divers vignobles montrent qu’il est en train de se produire une mutation vers des styles de sauvignon présentant davantage de subtilité, de rondeur et de profondeur que par le passé. Cette évolution est particulièrement perceptible dans les vins de haut de gamme, mais elle influe aussi sur le cœur de gamme. Il est évident qu’un profil ayant affiché une performance exemplaire à travers le monde n’est pas près de disparaître, mais il est vrai aussi que les amateurs ne sont pas tous à la recherche d’arômes herbacés ou de fruits tropicaux dans le sauvignon blanc. Se posent aussi des questions quant à la texture, la profondeur, la longueur et la finesse des vins. Si les meilleures cuvées de la Loire évitent soigneusement un usage excessif de bois, leur style, recherché par les aficionados, peut aussi paraître un brin austère à certains. A ce titre, des millésimes à plus forte maturité peuvent venir à la rescousse des vins, apportant plus de corpulence. Néanmoins, des éléments aussi fondamentaux que le terroir ou la vinification dictent la déclinaison stylistique possible partout. En Autriche, la Styrie (ou Steiermark) fournit un exemple intéressant d’un style que je vois émerger ici et là, parfois aidé par le réchauffement climatique. Dans cette belle région, les niveaux de maturité atteints dans les parcelles exposées au sud et à forte pente, conjugués à des vinifications soignées et des élevages qui laissent de côté les petites barriques au profit de contenants plus grands, peuvent donner des vins à la fois profonds et fins. Je constate dans le même temps que des styles similaires sont en train d’émerger dans d’autres régions et pays, comme à Bordeaux, au Chili et en Nouvelle-Zélande.

 

 

Moins de sucrosité
Mais il y a un autre facteur, moins attendu, qui est en passe de modifier le style de certains sauvignons ou des assemblages. Cela se passe à Bordeaux et trouve ses origines dans la désaffection manifestée à l’égard des vins moelleux. Les nombreux vins doux et liquoreux élaborés dans les régions bordelaise et bergeracoise contiennent une part plus ou moins importante de sauvignon blanc. Afin de compenser la baisse des ventes de ce type de vin, un nombre croissant de producteurs s’orientent désormais vers des blancs secs. Etant donné les seuils de revenus que doivent atteindre ces domaines, ces derniers visent essentiellement le milieu et le haut de gamme en termes de positionnement prix. Cette cible entraîne obligatoirement des pratiques culturales et techniques de vinification soignées et sophistiquées pour justifier ce niveau de prix, et par conséquent des styles de vins qui doivent allier intensité et raffinement. Une autre grande mutation stylistique est liée au rejet, par une partie des consommateurs, de vins dominés par le bois. Cette tendance n’est pas spécifique au cépage sauvignon mais on en voit le résultat clairement dans des pays comme les Etats-Unis ou l’Australie où certains vins arborent fièrement la mention « unoaked ».

 

 

Transitions sur le long terme
En matière vestimentaire, la mode peut changer très vite. Dans le domaine du vin, de telles transitions rapides ne sont pas possibles car le cycle de production est long et il faut du temps pour tester les résultats. Ainsi, les modifications dans les styles des vins mettent au moins dix ans, voire bien plus, pour se manifester clairement. Au début de cet article j’ai évoqué un style de sauvignon blanc qui fut très novateur il y a 30 ans. Il est devenu, depuis, une référence mondiale et l’émergence d’un éventail plus large de profils ne s’opère que depuis peu de temps, un peu partout dans le monde. Ce n’est qu’un début et nous allons suivre ce mouvement ici même !

 

 

Source : Comité de pilotage pour favoriser les échanges sur le sauvignon
Les organisateurs du Concours Mondial du Sauvignon ont mis en place un comité de pilotage composé de 8 professionnels du vin ayant des compétences rédactionnelles et une connaissance du cépage. Ils constitueront, au fil des mois, un fonds documentaire dans lequel professionnels et consommateurs pourront aller puiser pour en savoir plus sur ce cépage aujourd’hui omniprésent dans le monde, mais qui n’a sans doute pas encore révélé toutes ses qualités et ses spécificités.
Les membres du Comité de pilotage : Sharon Nagel : journaliste freelance (Royaume-Uni/France) ; David Cobbold : journaliste à Vino BFM, Les 5 du vin (Royaume-Uni/France) ; Pedro Ballesteros : Master of Wine (Espagne) ; Roberto Zironi : chercheur-professeur (Italie) ; Valérie Lavigne : chercheur-professeur (France) ; Philippo Pszczolkowski Tomaszewski : œnologue-professeur (Chili) ; Paul White : journaliste au World of Fine Wine, Decanter (Nouvelle-Zélande, Etats-Unis, France) ;  Roger Voss : journaliste au Wine Enthusiast.
Article de David Cobbold : journaliste à Vino BFM.
www.cmsauvignon.com

 

 

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