Entretien du 28 janvier 2010 au Ministère de l’agriculture entre BERNARD FARGES, président du Syndicat des Bordeaux et Bordeaux Supérieur et BRUNO LE MAIRE, Ministre de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche
Cet entretien a eu lieu à l’occasion du prix de la Presse du Syndicat des Vins de Bordeaux à Jancis ROBINSON et Jean-Francis PECRESSE
Bruno Le Maire : « J’ai accepté de remettre le Prix de la Presse du Syndicat des vins de Bordeaux car il s’agit d’un sujet qui me tient à cœur : toute ma belle famille est originaire de la région, ma femme vient du Pays Basque. Je n’ai pas de préoccupation pour le haut et le très haut de gamme. Ce qui m’importe c’est la diversité des goûts que les vins peuvent apporter aux consommateurs. D’autant que c’est ce qui les intéresse avant tout : avoir du choix ! Les AOC rencontrent des difficultés car leur multiplication a nui à la valorisation des terroirs. Il ne faut pas transiger, et exiger que la qualité soit au rendez-vous. »
Bernard Farges, président du Syndicat des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur : « Le Bordeaux est un modèle. Les deux appellations bordeaux et bordeaux supérieur représentent en effet 55 % du volume de l’ensemble des appellations bordelaises, et constituent la base pyramidale du marché. Nous avons ainsi une offre visible et parfaitement lisible. C’est d’ailleurs la force de notre marque qui permet de développer fortement nos volumes sur le grand marché chinois qui s’ouvre actuellement. »
Bruno Le Maire : « Le vin n’est pas un produit de survie comme le lait et le blé, c’est un produit culturel. Le vin doit correspondre à un territoire contrôlé. Je suis très attaché au nom d’un territoire. S’il n’y a pas de limite, ce n’est plus un produit culturel mais un produit de grande consommation. Les AOC de Bordeaux représentent 25 % du vignoble français, autant que l’Australie. Je suis favorable à l’approche par bassin et à la création d’un bassin bordelais. Cela me parait très cohérent. »
« J’encourage la position bordelaise sur l’utilisation des fonds européens pour les actions dynamiques telles que restructuration du vignoble, l’aide à la commercialisation et à la promotion à l’export, et en particulier sur les pays tiers. Pour soutenir dans ce sens le vin français, le montant des subventions de la communauté européenne a augmenté de plus de 20 %, passant de 176 à 240 millions d’euros pour 2010. Je ne suis pas inquiet pour la viticulture française. Bordeaux a fait un gros effort de restructuration. Je crois en la filière vin car les marchés export existent. Il faut que nous changions les règles de la concurrence en Europe. J’ai la volonté de mettre en place des outils de régulation, notamment de ne pas aller vers la libéralisation des plantations et de donner, à travers la LMA (loi de modernisation de l’agriculture), des outils d’indicateur de prix aux interprofessions. Une interprofession doit donner les références du marché. Le producteur est aujourd’hui en position de faiblesse car c’est le distributeur qui fixe son prix. Ce sont les syndicats qui doivent prendre la main sur ce point et donner la vraie tendance du marché. Il est indispensable que l’on puisse définir le coût de production d’un produit alimentaire ; le vin, le lait, le blé, etc. »
« Par rapport aux vins étrangers, qui ont un goût plus marqué par la variété du cépage, le vin de Bordeaux a une vraie carte à jouer, un véritable atout : il est beaucoup plus subtil, s’exprime dans la finesse, l’élégance, et propose une palette de saveurs beaucoup plus variée et accessible à tous les palais. »
« En matière de communication sur l’alimentation et le vin, et sur la place du vin dans la société, je crois ardemment au travail conjoint avec le ministère de la santé. J’encourage également les projets en cours de la filière bordelaise concernant leurs préoccupations environnementales. Le débat sur l’agriculture mondiale va devenir un grand débat géopolitique. Il s’agit d’un sujet véritablement stratégique. L’alimentation est devenue la plus grande préoccupation de santé publique. Tout va tourner autour du thème de : « Qu’est-ce qu’une bonne alimentation ? ».
Il va falloir se battre pour défendre le modèle français. Le lait et ses produits dérivés, la viande, le vin, sont attaqués de toutes parts aujourd’hui. La solution réside dans l’éducation et la culture. Il faut que les filières professionnelles aillent voir les consommateurs en direct et fassent de la pédagogie. C’est dans cette voie que justement nous travaillons avec Roselyne Bachelot, la ministre de la santé et des sports. »
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