Accueil / Portraits d’acteurs / Portrait d’actrice : Noémie Tanneau
« N’étant pas issue d’une famille de vignerons, j’ai suivi un parcours un peu singulier. » Fille d’un mécanicien en aéronautique et d’une mère infirmière, Noémie Tanneau grandit dans un univers sans lien avec la viticulture et débute sa carrière comme travailleur social pour l’insertion de jeunes en difficulté. « J’avais choisi ce métier pour son côté humain et pour rendre service par mon travail, mais très vite j’ai compris que ça ne me faisait pas vibrer… » .
À 24 ans, la jeune femme se questionne sur une nouvelle voie à suivre. « Tout me ramenait toujours à l’agriculture, » se souvient-elle. Habitant la Gironde, c’est vers le vin qu’elle se tourne, même si, rien ne prédestinait celle qui « avait grandi dans un univers où le vin n’était pas au centre de la table familiale. »
Pour commencer, Noémie consacre ses quatre semaines de congé à travailler aux vendanges du vignoble Pape Clément. Cette expérience, bien que « difficile physiquement et psychologiquement », la séduit et finit de la convaincre qu’elle a trouvé sa voie. La jeune femme se lance alors dans une reconversion avec un BTS en viticulture-œnologie et une alternance au Château Haut-Vigneau (Pessac-Léognan). Au fil des mois, les missions qui lui sont confiées s’étoffent. Et, l’expérience se révèle « extrêmement enrichissante. » « Parce que je suis du genre à foncer et assumer tout de front », cette reconversion coïncide avec la naissance de sa fille aînée, aujourd’hui âgée de 10 ans.
BTS en poche, Noémie Tanneau s’inscrit à Bordeaux Sciences Agro pour une formation d’ingénieur agronome avec une spécialisation dans le management des entreprises agricoles. Pendant son cursus, elle poursuit sa collaboration à Haut-Vigneau. Cette période « bien remplie » voit également la naissance de sa deuxième fille. Une fois diplômée, l’envie de s’installer est là. « Mais à 30 ans, c’était trop tôt ». Pendant trois ans, elle travaille pour la Cave Coopérative des Vignerons de Puisseguin (Lussac Saint-Emilion) comme conseillère en installation-transmission. C’est dans ce contexte qu’elle fait la connaissance d’Annette Bion, qui cherche à céder le vignoble de St-Ferdinand
En 2020, Noémie reprend ce domaine de six hectares de vigne et quatre de prairie et forêt dont un servant de zone de refuge à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). La famille déménage pour s’installer à St-Ferdinand. Le vignoble est en bon état, mais le domaine ne possède ni vin, ni client puisque les raisins sont portés en coopérative depuis 15 ans. D’emblée, Noémie relance les vinifications de ce domaine au terroir argilo-calcaire et limoneux planté de vignes âgées de 7 à 60 ans (90% de merlot et 10% de cabernet franc). Désireuse d’entamer la transition vers le bio et « ne pouvant pas tout faire en même temps, » la vigneronne commence par obtenir la labellisation HVE. Aujourd’hui, son vignoble est converti au bio (conversion entamée depuis 2021).
Pour être libre de créer selon ses inspirations, à St-Ferdinand, Noémie Tanneau vinifie ses cuvées en Lussac Saint-Emilion et en Vin de France. Elle propose huit cuvées, à servir de l’apéritif au dessert : cinq en rouge, un pétillant naturel rosé, un rosé d’été et un rosé d’hiver vinifié en barrique d’acacia. « C’est mon côté provoc et mon envie d’aller où on ne m’attend pas qui guident mes choix. » Ses rosés viennent en réponse à ceux qui voient le rosé comme un vin de seconde catégorie. « Avec mon rosé d’hiver, j’ai voulu faire un vin gastronomique, à la hauteur des rouges, mais pensé pour accompagner des plats plus légers avec son miellé et ses notes de marmelade d’orange dus au bois d’acacia. »
Ses expérimentations, la vigneronne les teste en petit volume. `De ce rosé d’hiver, elle ne façonne que deux barriques. Ses cuvées restent produites à une échelle confidentielle, en raison de la superficie du vignoble qui permet ainsi d’entretenir la rareté et susciter l’envie. « Cela s’est fait comme ça, sans aucune volonté de faire un vin de femmes. » Noémie est épaulée par une équipe de trois femmes, Chantal, ouvrière agricole à mi-temps et Laurence, secrétaire à mi-temps, avec le renfort d’une troisième comparse, Nathalie, au moment de la taille. Depuis quelques temps, son mari, très impliqué dans ce projet, et qui travaille comme ingénieur technique dans le bâtiment, a pu obtenir un 80% pour venir leur prêter main forte tous les mercredis.
Nombreux sont les visiteurs du domaine ou encore les amateurs de vin l’ayant croisée et ayant goûté ses vins à considérer Noémie comme « le porte-drapeau de la fraîcheur. » Une impression qui vient certainement de sa liberté d’esprit, son envie et son énergie. Cette dynamique se retrouve sur les étiquettes de ses vins, créées en collaboration avec des artistes. Elles s’ancrent dans l’univers de chacune de ses deux collections de vins : Faune et Sauvage.
Aujourd’hui, ses clients sont à 70% des particuliers. Pour faire connaître ses vins, Noémie participe à une dizaine de salons chaque année. La propriété est ouverte. « Du moment qu’on appelle avant, tout le monde est bienvenu : on vient et on vit la propriété dans son quotidien. » L’accueil est au cœur de sa démarche. L’été des soirées guinguette-apéro-concert sont organisées au cœur du vignoble, des moments d’échange et de simplicité qui séduisent.
Membre du collectif Bordeaux Crush, Noémie Tanneau défend avec ce groupe l’envie de faire (re)-découvrir les vins de Bordeaux de « manière rock’n roll ». Cet ensemble formé d’une trentaine de vignobles très variés, petits grands, bio ou raisonnés répartis sur 22 AOC souhaite partager la diversité des vins de Bordeaux avec bonne humeur et de façon décomplexée pour conquérir ou reconquérir des amateurs. Forts du succès d’un premier évènement parisien en février dernier, deux événements sont prévus pendant les primeurs : une soirée Bordeaux Crush Taste le 22 avril de 18h à 22h sur une péniche à Bordeaux « Bateau Maddalena » et une dégustation à côté du Château Soutard le 23-24 avril.
« Au départ, au moment où tout est difficile, St-Ferdinand a eu la chance de croiser la route du Roi Charles III. » Pour faire goûter un vin bio au monarque anglais, conformément à sa demande, le CIVB a choisi de lui proposer le vainqueur de la dernière édition des Trophées Bordeaux Vignoble Engagé, c’est-à-dire un verre de St-Ferdinand. « Pour une exploitation en plein démarrage, « c’est un formidable coup de pouce ! »
Dans un avenir proche, Noémie nourrit différents projets dont celui de créer une cuvée en blanc. Pour ce faire, elle devrait prochainement planter plusieurs cépages de blanc ainsi que des arbres fruitiers sur une parcelle récemment arrachée de 20 ares qui lui permettrait de proposer environ 1 000 bouteilles. L’introduction de haies, d’animaux avec des poulaillers mobiles et des moutons est également à l’étude.
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