Accueil / Non classé / Portrait d’actrice : Fanny Cazimajou
Issue d’une famille de vignerons, Fanny Cazimajou tourne d’abord le dos à cet univers auquel elle reproche d’avoir trop accaparé ses parents. « Petite, mes parents n’étaient pas souvent là et ça m’a manqué, » se souvient-elle. Cette enfance façonne une relation distante avec l’univers viticole qui fait que « je ne comprenais pas le vin quand j’étais jeune. »
Étudiante, elle mène une vie « bien occupée » prise entre son parcours académique en commerce international et sa formation en chant lyrique au conservatoire de Bordeaux.
C’est au cours d’un stage effectué dans le cadre de son cursus commercial au sein d’une cave en Allemagne que sa perception du vin change radicalement. Interloqué par cette « petite française timide de 18 ans, fille de viticulteur qui ne boit pas de vin, » un de ses collègues se fait un devoir de faire changer les choses.
La révélation vient des dégustations hebdomadaires qu’il organise pour elle. Au lieu de lui dire ce qu’elle doit sentir, on lui demande de dire ce qu’elle ressent. « Là, tout s’est mis en place dans ma tête. » Elle découvre sa capacité à « ressentir des choses sans être inhibée par le côté technique. » À son retour en France, elle demande à son père de goûter les vins familiaux et commence à se projeter dans cet univers.
C’est ainsi que Fanny rejoint ses parents, Pascale et Christian Rey, de même que son frère et sa belle-sœur, Laurent et Audrey Rey, sur le vignoble familial. Depuis, à leurs côtés, elle se consacre pleinement au Domaine des Graves d’Ardonneau, référence de l’appellation Blaye Côtes de Bordeaux qui s’étend sur 100 hectares dont 70 de vignes cultivées avec une philosophie claire de préservation de « notre campagne et de la biodiversité via l’acquisition de terres pour les préserver de toute construction en les conservant en bois, taillis et prairies. »
Atout majeur du vignoble, sa situation géographique avec une implantation sur trois des points les plus culminants de la Gironde. Cette localisation entre 65 et 100 mètres d’altitude protège les vignes du gel. « C’est ce que recherchait mon grand-père qui mettait un point d’honneur à acquérir les vignes les moins gélives possibles. » Autre héritage familial, celui d’une grand-mère gestionnaire « qui ne dépensait pas un sou avant d’en avoir gagné trois ! » Cette gestion prudente a perduré. Elle permet au Domaine de poursuivre sereinement son histoire, de même que de maintenir des prix stables.
« On a une vision très précise de ce qu’on attend de nos vins, ainsi que le résume cette phrase de mon frère : ‘mes vins je les ai dans ma tête et je peux les refaire éternellement.’ » Accompagnés par un œnologue conseil, mais sans standardisation, Fanny et les siens s’attachent à « garder (leur) âme intacte » et maintenir « la patte d’Ardonneau, cette signature reconnaissable dans nos vins et qu’apprécient nos clients. »
Les Graves d’Ardonneau façonnent majoritairement des vins rouges, même si les blancs sont présents sur 12 hectares. Le domaine propose également un moelleux, un rosé, ainsi que des effervescents : deux pétillants (un rosé et un blanc) et un crémant. Leur volonté ? Élaborer des vins modernes qui restent dans le style de Bordeaux, « des vins qui nous ressemblent, tout à la fois ronds, gourmands et généreux. »
Dans son travail, la famille Rey se distingue aussi par sa maîtrise complète du processus de production qui lui permet de s’assurer de la qualité en ayant la main et l’œil sur tout. « De la vigne à la vente, nous faisons tout nous-mêmes, jusqu’à l’embouteillage et l’étiquetage. »
La marque de fabrique des Graves d’Ardonneau c’est aussi une intransigeance qualitative allant jusqu’à préférer ne pas mettre un vin en bouteille quand le millésime n’est pas à la hauteur. En 2013, par exemple, le domaine n’a pas produit une seule bouteille de vin rouge. C’est la seule manière de ne pas décevoir leurs clients fidèles qui sont à 70% des particuliers avec lesquels Fanny comme l’ensemble de la famille Rey se chargent d’entretenir les liens privilégiés fondés sur « l’écoute et une remise en cause permanente de ce que nous faisons. C’est grâce à eux que nous pouvons progresser ». Les 30% restants sont répartis à parts égales entre professionnels en France et à l’étranger. Cette répartition équilibrée constitue « une force face à la crise actuelle. » .
« Le défi toujours renouvelé, c’est de faire de bons vins, d’aller au bout de la saison sans embûche… » et ce, malgré l’audace dont font preuve chaque année ceux d’Ardonneau qui débutent généralement les vendanges 15 jours après leurs voisins. En jouant ainsi avec le feu, ils obtiennent les raisins les plus mûrs et les meilleurs possibles.
Millésime après millésime, Fanny et les siens s’attachent à faire vivre l’héritage viticole initié en 1763 par leurs ancêtres et atteindre l’équilibre le plus parfait possible entre la qualité, le prix et le plaisir.
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