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Portrait d’actrice : Claire Lurton

 

Claire Lurton, châteaux Haut-Bages Libéral, grand cru classé à Pauillac et Ferrière 3e grand cru classé à Margaux

 

Photos Jean-Bernard Nadeau – Texte Frédérique Nguyen Huu.

 

 

 

« J’appartiens à la 3e génération familiale de vignerons et à la 2e génération de femmes, » commence Claire Lurton, soulignant l’importance de ce fait « parce qu’il y a 40 ans, les femmes n’étaient pas très représentées dans ce secteur et ma mère gérait toutes les propriétés familiales. »

 

Claire Lurton se destine à une carrière scientifique. Doctorante en Physique – Chimie, son grand-père, Jacques Merlaut, lui demande de le rejoindre après la disparition accidentelle de ses parents. Âgée de 24 ans, elle « abandonne tout, pour reprendre le flambeau, sans aucune expérience… » Au départ, elle peut compter sur l’expertise de son oncle et celle de son grand-père qui l’épaulent dans la gestion des châteaux Haut-Bages Libéral et Ferrière qu’elle décrit en ce début des années 90 comme « deux belles endormies. »

 

FRANCE, GIRONDE, PAUILLAC, CLAIRE LURTON, CHATEAU HAUT-BAGES LIBERAL, GRAND CRU CLASSE EN 1855, VIGNOBLE EN BIODYNAMIE

 

Pionnière en ses domaines

 

« Du haut de mon mètre soixante, face à tous ces hommes, c’était un beau challenge. » Et, plus encore, à partir de 2000 quand elle prend seule les rênes de ces deux domaines. « Pour commencer, j’ai fait plein de bêtises, » s’amuse celle qui compte parmi les premières à avoir abandonné la chimie pour adopter des pratiques bio et la biodynamie, regardée alors comme « tout à fait ésotérique. »

 

À Haut-Bages Libéral, couverts végétaux et cultures régénératrices sont mis en place pour éviter les labours et limiter l’effet de pente. Au départ, l’herbe fait compétition à la vigne. Les rendements sont bas. Avec le temps, ils se redressent. Ces techniques permettent de reconstituer un sol vivant, riche en carbone, fertile et élastique avec un enherbement naturel nécessitant simplement des semis d’automne, seigle, moutarde, trèfles, fèves, lupin…

 

« À partir du moment où nous avons retrouvé un sol vivant, nous avons pu nous lancer pleinement dans la biodynamie », non sans réticences au départ chez ses collaborateurs, car pas toujours rassurés face à cette prise de risque, mais pleinement engagés pour relever les défis de cette pratique exigeant une présence de chaque jour à la vigne. « Au regard de ce qui a été accompli, aujourd’hui, pour rien au monde, nous ne reviendrions en arrière ! »

 

 

FRANCE, GIRONDE, PAUILLAC, CLAIRE LURTON, CHATEAU HAUT-BAGES LIBERAL, GRAND CRU CLASSE EN 1855, VIGNOBLE EN BIODYNAMIEDeux domaines, deux terroirs et de nombreux échanges

 

« On apprend beaucoup plus vite en gérant deux terroirs différents en parallèle. » La conduite de l’un nourrit les pratiques de l’autre. Claire Lurton dit aussi avoir beaucoup appris de ses équipes techniques et insiste sur les bénéfices du partage d’expérience. Dans une pratique où les techniques anciennes ont disparu, où tout est à réinventer et se fonde sur l’expérimentation, le partage est précieux.

 

Deux fois par an, c’est à Ferrière que sont effectuées les principales préparations du mouvement de biodynamie d’Aquitaine. L’occasion parfaite d’échanger « connaissances et incertitudes » entre vignerons.  Bouse de corne pour favoriser l’absorption microbienne du sol et la formation d’humus, silice de corne pour la pousse. Les vignes de Ferrière sont traitées en autonomie avec les plantes du domaine (décoctions de prêle des champs et d’osier, extrait fermenté d’ortie contre le mildiou…), des engrais verts et des semis adaptés aux spécificités de chaque parcelle.

 

« À Ferrière, on a relancé un vin que plus personne ne connaissait. » Pendant des années, les raisins de ce domaine placé en fermage partaient pour vinification au Château Lascombes. Sans vin, pas de marque. À partir de 1992, Claire Lurton s’attèle « à la résurrection » de ce vignoble de 24 ha planté de vieilles vignes. Travail massale, sélection des pieds anciens, couverts végétaux et taille douce permettent d’obtenir des rendements satisfaisants et surtout des raisins dotés d’un « autre goût. » En 2015, Ferrière est le deuxième grand cru classé rouge de 1855 à obtenir la certification.

 

FRANCE, GIRONDE, PAUILLAC, CLAIRE LURTON, CHATEAU HAUT-BAGES LIBERAL, GRAND CRU CLASSE EN 1855, VIGNOBLE EN BIODYNAMIEHaut-Bages Libéral est, quant à lui, pionnier en agroforesterie. Depuis près de 25 ans, la biodiversité est au cœur des pratiques sur son vignoble de 30 ha en Pauillac et 8 ha en Haut-Médoc certifié en bio et en biodynamie. Pêchers, pommiers, érables, peupliers, cornouillers, ormes, au fil des années et de l’implantation de plus 600 arbres (sans compter les kilomètres de haies plantées depuis 20 ans), le paysage s’est totalement transformé.

 

Oiseaux, animaux, insectes et microorganismes font la richesse du domaine. Les sols vivants, aérés et fertiles de ses parcelles bordées de haies portent des fruits permettant de livrer une juste expression de ce grand terroir. Elle se décline en trois vins à travers la dentelle pauillacaise de son grand vin iconique, la gourmandise de La Chapelle de Haut-Bages Libéral et la modernité aérienne des merlots de CERES.

 

 

 

Et demain ?

 

Pour continuer à livrer des vins séduisants et fruités dans les années à venir, les défis sont nombreux. Claire Lurton y répond en travaillant à conserver des zones humides et en agissant pour retenir les eaux pluviales. Haies et sols permettent d’éviter le ravinement en hiver et de traverser les épisodes de sécheresse estivale. C’est également en « capitalisant sur notre vieille génétique, en abandonnant le clonage, en pratiquant la sélection massale et en retrouvant nos vignes anciennes plus résistantes que nous y parviendrons. » .

 

 

En savoir plus sur les Vignes de Gonzague et Claire Lurton

 

 

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