Accueil / Portraits d’acteurs / Portrait d’acteurs : Delphine et Benoît Vinet, fondateurs du Domaine Emile Grelier
Grandis dans des fermes en Charente-Maritime, Delphine et Benoît Vinet créent en 2000 Le Domaine Emile Grelier, un vignoble de huit hectares à Lapouyade (Gironde). Titulaire d’un BTS en viticulture et œnologie, Benoît suit un parcours classique mais reste marqué par une enfance passée dans une ferme pionnière, en agriculture biologique dès 1976 et biodynamie à partir de 1988. Chef d’exploitation dans le Cognac puis dans le Bordelais pendant une dizaine d’années, il « accumule de l’expérience avant de s’installer ». De son côté, Delphine, fille de céréaliers, suit des études de psychologie avant d’intégrer la fonction publique territoriale. C’est avec son mari qu’elle découvre l’agriculture bio. Ensemble et portés par des « valeurs qui {leur} tiennent à cœur », ils décident de fonder un domaine viticole.
Leur installation est une création : 8 hectares de vignes implantés sur un beau coteau orienté au sud et vierge de toute production agricole. Comme il faut du temps à la vigne pour produire, pendant les premières années, le couple mène « une double vie ». Chacun conserve son activité professionnelle en plus de leur travail sur le domaine et de l’éducation de leurs trois enfants. Plus complexe qu’une transmission ou qu’un rachat de propriété, ce projet où tout est à créer leur permet de suivre une voie qui leur est propre et se trace en dehors des sentiers battus.
Baptisé Domaine Emile Grelier en mémoire du grand-père de Delphine qui a fait découvrir les vins de Bordeaux à Benoît et en reconnaissance du soutien bienveillant apporté par leur famille, ils façonnent un vignoble qui n’a rien de traditionnel. Planté en 2001 et 2002, il se compose d’un encépagement unique, 100% Merlot qui permet une meilleure expression du terroir. De sa forte densité, entre 6000 et 6600/ha., résulte un nombre limité de grappes par pied, une meilleure exploitation du sol et exposition au soleil. Autrement résumé par Benoît : « on demande peu mais mieux à la vigne ».
Vite, Benoît et Delphine se rendent à l’évidence : même conduit en bio, leur vignoble reste une monoculture pauvre en biodiversité. Partant du constat qu’on « pense intrants mais pas suffisamment écosystème à l’échelle de la parcelle, du domaine et du territoire » et de sa proximité avec le bio dès son plus jeune âge, Benoît entend aller plus loin dans sa démarche. Déjà, il nourrit des réflexions sur les animaux auxiliaires et plus particulièrement la chauve-souris comme prédateur nocturne du papillon responsable de la présence de vers dans le fruit.
Une fois le domaine installé, le couple s’appuie sur des experts pour « ouvrir le monde paysan sur la nature ». Pour cela, il se tourne vers des naturalistes et plus particulièrement quatre associations : la LPO Aquitaine, le Groupe Chiroptères d’Aquitaine, Arbres et Paysages 33 et l’OPIE. Réunis pour la première fois, ces différents acteurs se montrent d’emblée très motivés par le projet. Dès lors, le domaine devient lieu d’expérimentations. Relevés, suivis, analyses permettent d’ajuster les initiatives, de dégager des enseignements et de tirer les premières conclusions. Évoquant cette époque, les Vinet parlent « d’une période intense, riche de nombreux échanges avec ces différents spécialistes scrutant leur vignoble ». Leur démarche fait parler d’elle. Le domaine intéresse. Il intègre le plan Vitiforest devenant laboratoire pour l’agroforesterie en milieu viticole, ainsi que le plan Vitichiro sur l’activité des chauve-souris dans ce même milieu. Les collaborations se multiplient.
L’importance des arbres ressort dès les premières études. Aux quelques fruitiers initialement plantés sur le domaine pour permettre aux enfants de grappiller en allant à l’école, s’ajoutent en 2014, 160 arbres et des haies. Régulateurs climatiques et abris pour les oiseaux et chauve-souris prédateurs des ravageurs de la vigne, ils sont essentiels. En 2018 et 2019, d’autres essences sont plantées pour atteindre le nombre de 570 arbres (1/4 de feuillus et ¾ de fruitiers) en plus de 500 mètres de haies. Au fil des années, d’autres habitats d’animaux et insectes auxiliaires sont créés. Devenu écosystème, le Domaine Emile Grelier abrite à présent 6 marres, 50 nichoirs, 15 planques à serpents, 7 cabanes à hérissons, 10 gîtes à chauve-souris et 4 hôtels à insectes.
A la satisfaction d’être parvenus à mener à bien leur projet, se mêle celle de voir reconnue l’importance de sa portée. « De doux rêveurs, nous sommes devenus précurseurs, c’est plus confortable », souligne Delphine. Une reconnaissance qui passe par un gros travail de communication et de collaboration à travers de multiples échanges et partenariats. Cette démarche s’enrichit aujourd’hui d’une volonté de transmission. « Nous ne cherchons pas à convaincre, nous souhaitons simplement témoigner » : participation à des évènements, accueil de stagiaires, d’étudiants, de même que tournage d’un documentaire ou réalisation d’un TEDx. Journalistes, scientifiques, mais aussi grandes maisons de vin s’intéressent au travail réalisé par les Vinet.
La reconnaissance passe également par celle des vins du domaine. Dans son ouvrage sur les « 250 Grands Bordeaux Abordables », Franck Dubourdieu salue le grand vin 100% Merlot du domaine, le décrivant comme un vin « à la hauteur des ambitions écologiques de ses propriétaires. » Pour sa production, Benoît pratique une taille particulière qui donne de petites grappes très étalées et une concentration plus importante de tannins et d’arômes. Ce travail spécifique des vignes permet d’affiner la portée aromatique des vins et confère à la cuvée Emile Grelier une garde de 10 ans, supérieure à celle des autres Bordeaux Supérieur.
Pousser plus loin leur démarche et mettre en pratique leurs valeurs au cœur d’une ferme, devenue lieu de vie et d’activités. Tel est le nouveau projet dans lequel se sont lancés Delphine et Benoît en achetant avec 100 copropriétaires le Château La Bardonne, une propriété viticole de 11ha en Gironde, à proximité de Lapouyade. L’idée ? Mutualiser sur ce lieu des dynamiques porteuses pour avancer et réinventer le modèle agricole et l’artisanat de service. Vigneron, brasseur, maraîcher, conserverie et up-cyclerie de cuir, La Possiblerie réunit des acteurs partageant une même vision et travaillant dans une optique de mise en commun des outils, des réseaux de commercialisation et de communication. Initiée en 2017, cette aventure qui porte à une échelle supérieure la philosophie mise en œuvre par Delphine et Benoît sur leur vignoble, gagne chaque année de nouveaux partenaires.
Bravo pour cet article concernant ces neo vignerons qui sont un exemple pour d’autres jeunes voulant changer le modèle dominant à Bordeaux de l’usage mortifère des pesticides de synthese. Non content d’oser, ils consacrent du temps à montrer, expliquer leur itinéraire innovant en ce qu’il concentre tous les possibles en matière de Biodiversité. Bravo aussi aux Echos de Bordeaux d’en faire l’apologie afin de remuer la conscience figée du Bordelais, les bons derniers du classement des régions viticoles en surface Bio 12 % versus 14% moyenne France.
Franck Dubourdieu oenologue,,agronome.
Super travail de Delphine et Benoît.
Nous les avons rencontrés lors d’une soirée dégustation vins dans le magasin chlorophylle de basse goulaine ds le 44, puis une 2eme fois 4 ans après.
Nous avons prévu la visite de leur vigne agroforestiere…
Oui super travail auquel s’ajoute le projet de la Possiblerie http://www.lapossiblerie.fr/