Accueil / Portraits d’acteurs / Portrait d’acteur : Philippe Betschart, artisan vigneron
« Je ne suis pas né dans les vignes. Mon chemin vers le vin a été un peu tumultueux », explique Philippe Betschart. Géographe de formation, spécialisé en gestion de l’environnement, il a d’abord travaillé dans l’enseignement agricole et au ministère de l’Agriculture, puis pendant quinze ans dans l’informatique.
Après une quinzaine d’années de vie parisienne, « l’envie s’est imposée de faire quelque chose de différent, de s’inscrire dans un projet plus ancré, plus concret ». L’histoire familiale n’y est pas étrangère : des racines bordelaises dans le courtage et le négoce avaient semé une graine, réveillée par les récits transmis de génération en génération.
Comme beaucoup de néo-vignerons, Philippe Betschart reprend tout depuis le début. Formation viticole et œnologique au CFPPA de Beaune, recherches de vignoble… jusqu’à l’aventure familiale en 2010 : 11,5 hectares repris dans les Côtes de Bourg, avec l’envie de bousculer les codes. « Prix, coûts, budget… Bordeaux s’est imposé », résume-t-il. Mais au-delà de l’arithmétique, le choix d’un territoire à réinventer.
Dès son arrivée, Philippe Betschart fait un choix radical : conversion en bio et biodynamie. « J’étais le 3ème à passer en biodynamie dans les Côtes de Bourg. À Bordeaux, à l’époque, c’était nouveau. »
Cette orientation s’impose comme un acte fondateur. « Produire autrement n’était pas un choix marketing, mais une nécessité. » Infrastructure adaptée, salariés déjà formés… les conditions étaient là pour aller plus loin.
À partir de 2014, le domaine s’inscrit dans un projet d’agroforesterie, accéléré depuis 2023. Là encore, une conviction : la monoculture viticole n’est plus tenable. Face à la crise actuelle, il assume la décision de produire moins de vin, mais mieux, et de se diversifier vers des cultures fruitières et une vinaigrerie artisanale. Le domaine compte aujourd’hui 5 hectares de vignes – contre 11 à l’origine – sur un total de 15 hectares. Une petite surface, mais une diversité assumée : « une gamme de 10 vins, ce qui paraît gigantesque ici. Désormais, je me concentre sur mes vins premium, ceux qui expriment le mieux le terroir et trouvent leur place. »
Philippe Betschart revendique le droit à l’expérimentation : « Cette année, je ne ferai sans doute que deux cuvées. Pour les grands vins, seulement le cabernet, pas de merlot. » Une manière de s’affranchir des habitudes et d’affirmer un vin d’auteur, exigeant et singulier.
« Au fil des années, je suis devenu un artisan vigneron et presque un paysan, non pas à la tête d’une simple exploitation viticole, mais d’une ferme. » Cette mutation prend corps avec une diversification volontaire : 2,5 hectares d’oliviers pour produire 600 litres d’huile d’olive, petits fruits (framboises, mûres, cassis, groseilles), fruits exotiques (nashis, kakis) et raisins de table.
La vinaigrerie artisanale s’inscrit dans la même logique : redonner du sens au travail paysan, en valorisant ce que la vigne ne peut plus porter seule. Avec la méthode orléanaise, il élabore des vinaigres naturels et vivants, bientôt enrichis d’un jardin botanique destiné à créer des vinaigres aromatisés aux plantes.
« Les gens boivent moins de vin. Il faut en prendre acte et leur proposer autre chose : des produits sains, variés, qui parlent à notre époque. » Cette approche artisanale et agroécologique séduit sa clientèle, qu’elle soit export (États-Unis, Japon) ou locale (cavistes, restaurants).
Plutôt que de subir, Philippe Betschart choisit la résistance créative : « La crise n’est pas une fatalité. Mon métier doit évoluer. J’assume de transformer mon exploitation en ferme fruitière agroécologique. C’est ma manière de continuer à inventer, à défendre un modèle agricole vivant, qui refuse la résignation. »
Suivre #les graves de viaud sur les réseaux : aimant la transmission, Philippe partage régulièrement des vidéos, véritables chroniques de la vie vigneronne : à la vigne, au chai et à côté… avec chaque jour, au fil des saisons, son lot de découvertes, surprises et d’inattendu…
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