Accueil / Ressources / Paroles d’acteurs : Cécile Cazaux et Frédéric Mignot du Cabinet Œnomaîtrise
CC : Je dirais, par analogie, que dans la grande cuisine rien n’est laissé au hasard. Je l’applique à notre métier.
FM : Certains recherchent cette partie hasardeuse pour ne pas s’en remettre qu’à la science, où le ressenti pilote préférentiellement. Je dirais qu’une part nous échappe toujours un peu, on ne peut pas tout contrôler, et c’est tant mieux. Mais dans un souci de recherche grandissante de précision dans les profils vins, préférer une démarche scientifique me semble un prérequis. Militer pour une approche trop ésotérique fait prendre d’énormes risques aux vignerons qui hypothèquent ainsi leurs productions.
CC : Œnomaîtrise milite pour une approche scientifique qui n’exclut pas l’aspect artistique. Je reviens au parallèle avec les grands chefs chez lesquels il y a une part de fantaisie qui ne s’exprime que parce que le solfège est maîtrisé. Ces fondamentaux sont nécessaires pour créer, inventer, se diversifier et éviter ainsi de tomber dans la standardisation du vin.
FM : Nous espérons que notre accompagnement technique et notre pragmatisme aident au mieux nos vignerons. Face à cette crise, nous nous devons d’être force de propositions avec la création de nouveaux profils vins, des bulles aux différents vins rouges à boire frais, en passant par les vins à petits degrés, etc. Je n’ai jamais autant étendu la gamme commerciale de mes clients avec de nouveaux vins, que depuis ces dernières années de crise.
CC : Bordeaux possède tous les ingrédients pour élaborer des vins en phase avec les différents marchés, et a les moyens de répondre à la crise. Il faut pour cela construire des produits profilés avec beaucoup de personnalité et différents de leur voisin. Bordeaux se trouve trop souvent dans le mimétisme. Peut-être par peur de prendre un risque ou d’être mal compris ? Aujourd’hui, les propriétaires qui ont initié de véritables styles sont moins inquiétés par la crise.
FM : Sur les terroirs difficiles, où les raisins présentent un plus petit potentiel, un des moyens de les valoriser est de ne pas déraper dans la date de récolte et donc de ramasser tôt. À chaque millésime, la décision de la date de récolte est un véritable engagement que nous menons, car le discours environnant est toujours de dire qu’il faut attendre !
CC : Mon expérience aux côtés de Jean-Claude Berrouet m’a appris le juste milieu. Je suis contre les excès. La sous-maturité et la sur-maturité, deux modes ? Je crois bien plus au fruit mûr « réducteur » mais sa récolte sollicite de la justesse et une part d’intuition et bien entendu d’expérience…
FM : L’œnologue prescripteur ne doit pas se comporter comme un « gourou », avec toutes les dérives que cela entraîne. Notre mission est d’accompagner nos clients dans leurs prises de décision, et de les éclairer au mieux. Nous avons un rôle pédagogique important, qui prend du temps, mais qu’il est nécessaire de réaliser. À l’inverse du gourou, qui impose un discours radical. Nous avons pour habitude de dire, dans un souci de précisions et pour bien argumenter nos prises de décisions, que nous démontons le réveil. C’est imagé, mais c’est clair. (rire)
CC : Le propriétaire s’efface encore trop derrière l’œnologue-conseil laissant à penser que ce dernier fait seul le vin. C’est moins le cas dans les autres régions viticoles. La stratégie de production doit être collégiale. Je suis contre l’idée d’une même recette appliquée à tous, quels que soit les envies, les situations et les contextes. On retombe alors dans ces travers de la standardisation qui a peut-être lassé le consommateur. Je pense qu’il est de notre rôle de mettre la propriété au centre de la discussion et de comprendre ce qu’elle veut.
CC : Le paysage ampélographique bordelais existant permet déjà de bien faire. N’oublions pas l’intérêt des cuvées élaborées à base des seuls Cabernet, franc ou Sauvignon, un pur régal.
FM: En effet, si on prend l’exemple du Cabernet Sauvignon, il a gagné 10 jours de maturité en 15 ans. Il n’y a plus de Cabernet Sauvignon végétal à proprement dit. Le Carménère est également bien adapté, car tardif, avec une typicité très marquée, donc intéressant pour faire des vins avec une forte identité.
Fondée en 1812 par Jean-Baptiste Féret à Bordeaux, la maison Féret est l’une des plus anciennes maisons d’édition spécialisées dans le domaine du vin en France. Après l’emblématique Bordeaux et ses Vins, dont la première édition date de 1850, Féret publia également en 1889 un annuaire des Personnalités et Notables Girondins. Ce dernier devait constituer le premier
tome d’un corpus consacré aux acteurs qui comptaient dans le département girondin.
CecileCazaux
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