Associer de grands sauvignons blancs à une région relativement chaude plus connue pour ses cabernet-sauvignons peut paraître contraire à la logique. Mais comme le montre Deborah Parker Wong, non seulement le sauvignon a trouvé des terroirs adéquats dans la Napa Valley, il est même apte à y donner de très belles expressions.
Au cours des millénaires, les méandres de la Napa et du Conn contiguë ont charrié des sédiments de graviers alluviaux pour les éparpiller dans la plaine. Ces sites graveleux, qui atteignent leur niveau le plus profond là où les deux cours d’eau sont les plus proches, se caractérisent par des sols limoneux et argilo-limoneux, terroir de prédilection de longue date pour le sauvignon blanc dans la Napa Valley.
Les parcelles I et T où Mondavi a implanté ses premières vignes à To Kalon, situées à l’ouest de la Napa dans l’AVA d’Oakville, ont été parmi les premières dans la vallée à miser sur le potentiel du sauvignon blanc dans la région. De nos jours, certaines des cuvées les plus expressives de ce secteur sont issues de terroirs situés à l’ouest de la Napa et entre celle-ci et le Conn dans les régions viticoles américaines (AVA) de Rutherford et d’Oakville.
Le succès commercial du cabernet-sauvignon est tel que, planter du sauvignon blanc sur un terroir apte à donner du cabernet-sauvignon de haut niveau qualitatif, pourrait paraître une hérésie. Mais les vins élaborés par les vignerons qui affectionnent ce cépage racontent une autre histoire.
Une conjugaison heureuse de facteurs
La superficie de sauvignon blanc dans le comté de Napa a augmenté de plus de 122 ha au cours de la dernière décennie. Même si cette superficie, conjuguée à celle du sauvignon musqué pour un total de 1 116 ha, représente moins de la moitié des terres dédiées au chardonnay, cépage blanc le plus répandu du comté de Napa.
Selon l’organisme Napa Valley Vintners, il existe 235 exploitations dans la Napa Valley qui élaborent du sauvignon blanc, ou l’ont déjà fait. Historiquement, les vins se déclinaient en une multitude de profils et de positionnements prix. En mettant davantage l’accent sur le terroir, des pratiques culturales soignées et des choix précis au niveau des vendanges et de la vinification pour parvenir au style désiré, les vignerons tirent profit d’une conjugaison heureuse de facteurs. Résultat : les vins issus de raisins cultivés dans l’AVA Napa Valley exhibent une diversité de styles plus resserrée, qui tendent vers des cuvées soyeuses avec une profondeur d’agrumes et de fruits à noyau.
L’émergence des « Super Sauvignons », un terme inventé par Karen MacNeil pour définir les sauvignons blancs de la Napa Valley dont le prix de la bouteille dépasse 50 $, a marqué un tournant au niveau de l’évolution de la qualité et des profils et a contribué à revaloriser l’image du cépage. Même si les « Supers » proviennent d’autres terroirs de la Napa Valley, on constate une convergence de vins issus des couloirs fluviaux proches de la Napa et du Conn.
Autant d’efforts consentis que pour le cabernet-sauvignon
L’un de ces « super sauvignon » est l’œuvre de Gamble Vineyard, douze parcelles sont plantées en sauvignon blanc sur une superficie totale de 336 hectares au sein de l’AVA Oakville., il s’agit du plus grand producteur de sauvignon blanc de domaine à Oakville. Le ranch familial Gamble domine l’AVA d’Oakville car il englobe au total 336 hectares, dont 213 plantés en vignes. La parcelle Gamble’s Heart Block se trouve au cœur même de la Napa Valley, marqué par une station météorologique.
Tom Gamble, troisième génération de vignerons à exploiter ce terroir, explique : « Le vignoble se trouvant entre les deux rivières et à plus faible altitude qu’ailleurs, le brouillard s’y attarde une heure de plus qu’à Oakville. Ce facteur permet de préserver l’acidité tandis que le terroir de galets en argile retient plus d’humidité, ce qui donne aux raisins un peu plus de jus sans pour autant les rendre aqueux ».
Tom Gamble a planté le vignoble dans le sens des crues, ce qui favorise une excellente gestion du couvert végétal sur plusieurs clones différents. Comme le sauvignon musqué perd de l’acidité plus rapidement ici que dans la Loire, la parcelle est vendangée en cinq à sept passes pour les vins du domaine et les mono-cépages.
Interrogé sur le rapport qualité-prix des « Super Sauvignons », Tom Gamble précise : « Nous avons fait évoluer le prix des vins issus de la parcelle Heart Block pour atteindre 95 $, mais nous avons dû trouver un public en face ». Pour justifier ce positionnement, le vigneron admet qu’il consacre autant d’argent à produire son sauvignon blanc issu de la sélection parcellaire que son cabernet-sauvignon.
AVA Oakville : aperçu des différents terroirs de sauvignon blanc
Le terroir de plaine traversé par la Napa et le Conn se caractérisent par des limons alluviaux à grain fin qui ont été charriés depuis l’amont et ont été déposés par les eaux de crue. Le Conn et la Napa divisent l’AVA du nord au sud, laissant tous deux des bandes relativement profondes de sédiments alluviaux avec de chaque côté des sols limoneux des profils Yolo et Pleasanton. L’altitude moyenne est d’environ 60 mètres et la profondeur jusqu’à la roche mère est supérieure à 1 mètre, les zones situées entre la Napa et le Conn étant par ailleurs très bien drainées .
Source : Comité Sauvignon
Les organisateurs du Concours Mondial du Sauvignon ont mis en place un comité de pilotage composé de 8 professionnels du vin ayant des compétences rédactionnelles et une connaissance du cépage. Ils constitueront, au fil des mois, un fonds documentaire dans lequel professionnels et consommateurs pourront aller puiser pour en savoir plus sur ce cépage aujourd’hui omniprésent dans le monde, mais qui n’a sans doute pas encore révélé toutes ses qualités et ses spécificités.
Les membres du Comité de pilotage : Pedro Ballesteros : Master of Wine (Espagne) ; David Cobbold : journaliste à Vino BFM, Les 5 du vin (Royaume-Uni/France) ; Carien Coetzee : Basic Wine, Sauvignon Blanc South Africa ; Valérie Lavigne : chercheur-professeur (France) ; Sharon Nagel : journaliste freelance (Royaume-Uni/France) ; Deborah Parker Wong : SOMM Journal et The Tasting Panel (USA) ; Maurizio Valeriani : www.vinodabere.it (Italie,) ; Paul White : journaliste au World of Fine Wine, Decanter (Nouvelle-Zélande, Etats-Unis, France) et Frédéric Galtier : consultant Desembolic (Espagne).
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