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La minute marché, avec Didier Galhaud

Une chronique un peu particulière ce mois-ci puisque Bernard Sirot a rencontré Didier Galhaud, un infatigable ambassadeur du Sauternes qui vient de remporter le « World Tasting Championship » au sein de l’équipe de France.

 

 

 

Bien connu dans la région et particulièrement à Sauternes où il vient d’ouvrir une magnifique boutique de vins et un restaurant qui ne manque pas d’attraits, Didier Galhaud vient de connaître une immense joie puisqu’il fait partie de l’équipe de France de dégustation qui vient de remporter le « World Tasting Championship 2025« . Organisée par le Revue du Vin de France, cette compétition internationale a réuni 40 équipes venues des quatre coins du monde. Une distinction majeure pour ce passionné qui a consacré toute sa vie à l’univers du vin à Bordeaux, en Provence, France comme à l’étranger…

 

 

Bernard Sirot : Comment devient-on dégustateur dans une équipe nationale qui vient de remporter cette compétition mondialement reconnue ?

 

Didier Galhaud : Il y a 2 ans deux amis du beaujolais m’ont demandé si je voulais les rejoindre dans leur équipe pour disputer le championnat de France de dégustation à l’aveugle organisé par la RVF. J’ai exercé toute ma carrière professionnelle dans le vin et j’ai eu l’occasion de gouter beaucoup de vin. Je me suis dit que cela pouvait être amusant mais je n’imaginais pas tout le travail de préparation qu’il y a en amont. A la première dégustation, je me suis aperçu que je dégustais le vin de façon purement hédoniste sans forcément exercer ma mémoire. Il a fallu très vite que je m’entraine pour essayer d’arriver à leur niveau.

 

 

BS :  C’est avant tout un travail d’équipe ?

 

DG : Oui, la dégustation demande de faire appel à ses sens et on n’est pas toujours forcément à 100%. Travailler en équipe, c’est partager ses impressions, ses doutes ou ses certitudes. La première phase de la dégustation est le silence ; chacun est concentré sur son ressenti. On écrit chacun ce qu’on trouve dans le vin et ensuite on partage nos notes. C’est important car quelque fois il suffit d’un descripteur pour viser juste. Ensuite on affine, cépage(s), région, appellation, millésime, domaine…l’union fait la force !

 

 

BS :  Bien entendu, la connaissance des vins mais aussi la mémoire sensorielle sont primordiales ?

 

DG :Pour arriver à ce résultat collectif, je m’entraine presque toutes les semaines avec un groupe de personnes qui se prépare au même concours. On se met exactement dans les mêmes conditions. Je garde toujours un peu de vin dans le fond de mon verre car ce qui est important dans cet exercice de mémorisation, c’est de revenir sur le vin qu’on a gouté quand on l’a identifié et de lui attribuer des descripteurs qui vont permettre ensuite de le retrouver.

 

 

BS :  Parlez-nous de ce concours unique au monde…

 

DG : Une aventure formidable. Entre le titre de champion de France et le concours mondial il n’y a que 3 mois pour se préparer. Et si le concours de champion de France est uniquement centré sur les vins français, le concours mondial s’ouvre sur les vins étrangers ce qui complique infiniment la tâche. Nous avons du rechercher des sponsors pour financer l’achat de vins et nous avons dégusté plus de 250 bouteilles ensemble ou séparément sans prendre de vacances. Je crois que j’ai vraiment pris conscience de l’enjeu quand nous sommes arrivés en portant tous fièrement le même maillot tricolore.

 

 

BS :  Qui composait cette brillante équipe française ?

 

DG : Deux amis d’enfance, Reynald et Jocelyn Nicolas qui sont frère jumeau. Reynald est directeur général d’un opérateur de transport combiné rail-route au Luxembourg et formateur agréé par le Wine and Spirit Education Trust et titulaire du Diploma. Il est aussi associé d’Esprits-de-Vins à Mâcon, le premier centre de formation du WSET crée en dehors du Royaume Uni. Jocelyn est notaire dans l’Aube, chargé d’enseignement en droit notarial et en droit du vin et des spiritueux à l’Université de Reims, et membre de l’Association Internationale des Juristes du Droit de la Vigne et du Vin. J’ai rencontré Alain Launay qui était le premier compère de Reynald au concours du championnat de France. Il a été gérant pendant 15 ans d’une société d’évènementiel œnologique, sélectionneur pendant 7 ans d’une chaine de caviste nationale, il a parcouru tous les vignobles, gouté des milliers de vins, noué de solides relations avec les vignerons et possède une cave et un bar à vins depuis 2010 dans le Val d’Oise.  Enfin, François Breteau, négociant en vins, sélectionneur pour des enseignes de grande distribution, champion de France et vice-champion du monde 2016, 3ème au championnat du monde 2018 avant le doublé aux mondiaux de 2019 et un triplé avec notre équipe.

 

 

BS : Une expérience professionnelle variée et riche en diversité vous à aidé à une connaissance de la production mondiale tellement riche aujourd’hui…

 

DG : Je crois qu’une équipe se nourrit de l’expérience et du parcours des uns et des autres. J’ai travaillé 18 ans dans les crus classés de Sauternes ce qui m’a donné l’opportunité de voyager beaucoup, de rencontrer beaucoup de vignerons, de faire de nombreux salons et dégustations dans le monde entier où j’ai pu gouter et déguster de nombreux vins. Ce qui change aujourd’hui pour moi quand je goute du vin, c’est que j’essaie de le décrypter à chaque fois pour mémoriser ses caractéristiques.

 

 

BS :  Sauternes est désormais votre terrain de jeu préféré… Pourquoi avoir choisi cette commune au nom mondialement réputé ?

 

DG: Au départ, le hasard de la vie. J’avais entrepris de suivre en 2003/2004 un Master à l’Enita de Bordeaux (Bordeaux Agro Sciences aujourd’hui) pour acquérir des compétences techniques et si vous vous en souvenez il y a eu une canicule en 2003. Je devais faire des vendanges début octobre à Saint-Emilion d’où je suis originaire mais tout était rentré à cause de la précocité des vendanges. Mon ami m’a envoyé à Sauternes au Château Guiraud en imaginant que les vendanges n’auraient pas été finies. Quand Xavier Planty m’a accueilli le lundi 06 octobre, il m’a dit qu’il n’avait jamais vendangé aussi tôt et aussi vite ; il m’a appris aussi que les vendanges de botrytis ne sont pas des vendanges tardives et qu’on a souvent une fausse idée de nos vins injustement assimilés à des vendanges tardives alors que le botrytis qui est un champignon parisite est un facteur contaminant pouvant amener la concentration de façon fulgurante.  Cette rencontre a été déterminante puisque quelques mois après j’étais embauché au Château Guiraud où je suis resté 15 ans puis 3 ans au Château d’Arche avant de me mon consacrer à d’autres projets.

 

 

BS : Les projets ne manquent pas pour ces magnifiques bâtiments que vous avez entièrement rénové et investi avec un ami qui est votre associé…

 

DG: En 2019 ma femme et moi avions fait l’acquisition d’une bâtisse – d’anciennes granges – située au centre du village dans le but d’y faire notre résidence principale. Finalement, nous avons porté notre projet sur la création d’une boutique et d’un restaurant et pour cela nous avions besoin d’un associé qui sache cuisiner, l’idée étant d’avoir en cuisine un chef associé qui soit aussi impliqué et concerné que nous afin de ne pas nous retrouver du jour au lendemain sans chef sur un coup de tête. Mais j’étais loin de me douter que le courtier Alexis Angliviel de la Beaumelle que j’avais connu il y a 20 ans et avec qui j’avais fait des affaires serait notre futur associé. Comme quoi les hasards de la vie….

 

 

BS : Des chambres d’hôtes complètent votre offre touristique dans le village…

 

DG: Effectivement, ma femme et avions déjà entrepris une rénovation en achetant en 2011 l’ancien office de dégustation de Sauternes situé au centre du village pour en faire une maison d’hôtes, La Sauternaise, qui a démarré avec 4 chambres. En même temps que nous rénovions les granges nous avons pu acquérir la maison voisine et nous avons rajouté 3 studios, le tout à peine située à 20m du restaurant et de la boutique.

 

 

BS :  Comment voyez-vous l’avenir du monde du vin dans un contexte de plus en plus difficile ?

 

DG: La consommation de vins a connu une hausse ininterrompue pendant des décennies avec la mondialisation et Bordeaux a su tirer profit de ces nouveaux marchés avec de nouveaux consommateurs. Dans le même temps, on a planté de la vigne dans le monde entier sans qu’on sache si un jour il y aurait plus d’offre que de demande. Aujourd’hui on arrache de la vigne partout…Le monde du vin perd peu à peu ses consommateurs réguliers pour des consommateurs occasionnels et la jeune génération a plus de choix de boisson. Dans notre restaurant, nous proposons des vins a des prix raisonnables et je peux vous dire qu’il se consomme du vin car une partie de l’enjeu de la consommation du vin se joue hors domicile maintenant.

 

 

BS :  Et celui de Sauternes dont vous êtes désormais un acteur et ambassadeur de premier plan ?

 

DG: Pour observer le consommateur, je trouve qu’il déguste du Sauternes comme s’il faisait une expérience inédite, rare, exceptionnelle et qu’il ne pensait pas la reproduire. On a tellement communiqué pendant longtemps sur la rareté de ces vins afin d’aiguiser la curiosité du consommateur que c’est devenu un produit de luxe qui semble inaccessible. C’est comme d’aller au restaurant régulièrement mais exceptionnellement dans un étoilé. Vous savez qu’il existe, que vous pourriez y aller plus souvent mais finalement vous vous rationnez, vous vous privez en quelque sorte aussi en vous disant que pour l’apprécier il ne faut pas en abuser…

 

Sauternes a une carte à jouer en terme de destination touristique car le pays est beau, vallonné, préservé. Une fois sur place, on se laisse aller à consommer ses vins généreusement. Et puis Sauternes est en train d’ouvrir un nouveau chapitre avec ses vins blancs secs d’une qualité remarquable. Cela fait 4 siècles qu’il y a de la vigne blanche ici sur un terroir frais et exceptionnel. Sauternes, on a pas fini d’en parler… Être un ambassadeur de Sauternes regroupe tout ce que nous proposons aujourd’hui entre la maison d’hôtes, la boutique, le restaurant…une vraie expérience immersive !

 

Restaurant Les Granges de Sauternes

 

Article réalisé par Bernard Sirot.
Journaliste et dégustateur Vintaste
Photos Bernard Sirot.

 

 

 

 

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