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Carnet Primeurs millésime 2020

Photo JB Nadeau

Premier bilan des dégustations du millésime 2020 avec Pascal Henot et Marie-Laurence Porte. Photo JB Nadeau.

 

Pascal Hénot, Oenologue Enosens et dégustateur Vintaste, «Rive droite, 2020 est un millésime de rupture», le 4 mai.

 

Décalées de 3 semaines fin avril et avec beaucoup moins de monde que d’habitude en ces temps de pandémie Covid, les dégustations lors de la semaine des Primeurs du millésime 2020 se sont déroulées dans des conditions de dégustation parfaites.

Les vins de la rive droite sont particulièrement réussis grâce à des conditions météo qui ont permis une parfaite maturité de l’ensemble des cépages. Au Château La Tour Figeac, l’Association des Grands Crus Classés de Saint-Emilion a permis d’en apprécier la très belle qualité dans une grande diversité.
D’une manière générale les Saint-Emilion Grand Cru 2020 présentent de belles couleurs sombres et violacées. Cette homogénéité chromatique ne se retrouvent pas au niveau aromatique où c’est la grande diversité qui surprend autant qu’elle enchante. Mûre, cassis, framboise, fraise… si les fruits sont le leitmotiv, les notes toastées, pâtissières, vanillées, torréfiées… toujours dans la discrétion, au service du vin, apportent la tonalité propre à chaque cru. L’expression d’ensemble est fraiche et délicate, ou parfois plus marquée par le bois, mais toujours en harmonie. On retrouve cette diversité dans les structures de bouche. Parfois dense ou puissante, d’autres fois souple et fraiche, ou encore ronde, presque sucrée comme un bonbon aux fruits, ou construite sur de bons tanins mûrs… C’est un festival de styles différents mais toujours agréables et d’une bonne buvabilité.

Rive droite, 2020 est un millésime de rupture. On note clairement une recherche vers plus de pureté dans l’expression aromatique, plus de fraicheur, et pour la bouche, plus de tension et moins de puissance. Les conditions du millésime ont permis de produire des raisins de qualité, mûrs et concentrés, quel que soit le terroir. A partir de là, chaque propriété a pu élaborer le style de vin qui lui convenait.
Rive droite, 2020 est un grand millésime marqué davantage par la patte du winemaker que par le terroir.

 

 

Rive gauche, le Château de Malleret accueillait les Crus Bourgeois du Médoc. Là aussi une grande diversité.
Si les couleurs sont souvent sombres, certaines sont parfois plus légères. Les nez sont agréables, plus frais que rive droite du fait de la présence plus importante dans les assemblages du Cabernet sauvignon. Certains Cabernets sont magnifiques, mûrs, denses, puissants, et permettent d’élaborer de grands Médoc dans le millésime 2020. D’autres ont une maturité moins aboutie et conduisent à des arômes plus frais, des structures moins rondes, des tanins plus réactifs et un recours plus appuyé au boisé.
Là le terroir prend toute sa place et s’exprime par sa précocité et sa capacité à amener le Cabernet à maturité ou non. Le travail du winemaker est alors moins facile, avec moins de latitude, et l’on n’observe pas en Médoc cette rupture de style si enthousiasmante rive droite.
Rive gauche, 2020 est un bon millésime, où les meilleurs terroirs, dont les appellations communales, expriment leur classicisme.

Enosens Coutras

 

Photo JB Nadeau

 

Marie-Laurence Porte, Oenologue Enosens et dégustatrice Vintaste, «Le fil conducteur est la mise en avant du fruité», le 5 mai.

 

Rive Gauche, afin d’accueillir le plus grand nombre de dégustateurs, Pessac-Léognan a mis 5 de ses Châteaux à disposition pour les primeurs.
Ambiance feutrée et silence religieux, les dégustations se sont déroulées dans un cadre intimiste. La précocité des terroirs a permis l’obtention dans ce millésime solaire de vins blancs d’une grande homogénéité. Les sauvignons livrent un beau bouquet typé « sauvignon » avec une large palette aromatique allant des agrumes jusqu’aux fruits exotiques. Les vendanges précoces, dès la mi-août, ont conféré à ce 2020 une belle vivacité gage de fraîcheur, d’équilibre et de longévité. Grâce à un usage judicieux et maîtrisé à bon escient du boisé, les blancs reflètent plus que jamais leur terroir.

Les rouges dotés d’une robe sombre aux reflets violines dévoilent une homogénéité dans la qualité et une grande pluralité dans le style. Le fil conducteur est la mise en avant du fruité au détriment du bois qui n’apparaît qu’en toile de fond. L’époque du boisé est révolue laissant place à l’expression du fruit dans toute sa diversité. Une page est tournée. La maturité aboutie des raisins, tant en merlot qu’en cabernet, a permis une extraction douce conduisant à la production de vins structurés avec des tanins soyeux et gourmands. Dans cette multitude de profils aromatiques, de la violette aux fruits frais (cassis, groseille, baie de sureau) en passant par les fruits mûrs (myrtille, framboise, fraise des bois, cerise) et les épices, tout le monde y trouve son bonheur.

 

La Maison des Graves a ouvert ses portes pour accueillir les primeurs. Même rive mais style différent. Sur les secteurs de Graves, plus tardifs et plus soumis aux stress, les blancs se caractérisent par du charnu, du volume, du gras, de la minéralité et des arômes de fruits blancs juteux (pêche, brugnon, poire, nectarine). Le climat et le terroir ont imposé leur style aux winemakers. Rares sont ceux qui ont pu obtenir des sauvignons thiolés *. Le caractère « fruit blanc » étant renforcé par la présence des sémillons mûrs dans l’assemblage. 2020 sera donc un bon millésime typique ou classique des Graves.

Pour les rouges, les conditions climatiques ont également imposé des contraintes de maturité qui ont engendré une grande diversité de styles et de profils de vin. L’habilité des winemakers, par la maîtrise des extractions des tanins a permis de tirer le meilleur parti de la situation et de matrices parfois compliquées. Les vins sont ronds, souples, équilibrés, plus ou moins tanniques mais toujours avec de la sucrosité. Les tanins parfois serrés et un peu anguleux ont besoin du temps de l’élevage pour se patiner et se fondre harmonieusement. L’élevage sera donc une étape importante pour finaliser le style des vins et lui apporter la gourmandise que la maturité des raisins n’ a pas toujours apporté.

Enosens Cadillac

 

Photo JB Nadeau

 

*NDLR : ces molécules soufrées contribuent au profil aromatique d’un vin, il s’agit notamment pour le sauvignon des arômes de buis, pamplemousse et fruits de la passion.

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