Accueil / A ne pas manquer / Carnet de Vendanges Septembre 2022
Le millésime 2022 peut se résumer en un combat intense entre les viticulteurs et les événements climatiques imposés par la Nature.
Le match commence dès le débourrement avec la première attaque de la Nature : 3 journées de gel les 3,4 et 5 avril. Des températures de -4°C à même de brûler les bourgeons tout juste sortis. Mais les viticulteurs, échaudés (il faudrait dire éfroidés) par les épisodes de gel de 2017 et 2021 ont préparé la riposte : allumage de bougies, éoliennes, taille tardive… Le gel n’aura finalement que peu d’impact. Les viticulteurs gagnent la 1ère manche : Viticulteurs 1 – 0 Nature.
Deuxième attaque de la Nature au mois de juin avec 2 terribles orages accompagnés de grêle les 02 et 20 juin. Tout d’abord à l’Est dans le secteur Sainte-Foy puis au Nord Libournais, Blayais et Médoc. Cette fois ce sont des milliers d’hectares qui sont détruits. Viticulteurs 1 – 1 Nature.
Pour la troisième manche la Nature fait appel à ses alliés traditionnels : les maladies avec ses hordes d’oïdium, de mildiou, de vers de la grappe… La pression des maladies est forte, les viticulteurs s’arment de leurs pulvés et lancent la contre-attaque chimique. La Nature prépare déjà la quatrième manche et lance canicule et sècheresse. Le soleil étant le meilleur des produits de traitement, les maladies n’arriveront pas à s’installer. Le vignoble reste parfaitement sain. Viticulteurs 2 – 1 Nature.
La quatrième manche est insidieuse. Le soleil qui a freiné le développement des maladies fait souffrir la vigne. La Nature bombarde le vignoble de vagues de chaleur mi-juin, mi-juillet, mi-août, mi-septembre. L’été 2022 est le plus chaud du siècle ! En même temps elle coupe les vivres et installe une longue période de #sècheresse : 35% de déficit de pluie depuis le début de l’année. La vigne souffre, le feuillage jaunit, des vieux pieds meurent, et les grappes flétrissent, se vident de leur jus. La conséquence en sera des quantités faibles et un déficit de rendement généralisé. Viticulteurs 2 – 2 Nature.
C’est la dernière manche. Le match se dénoue avec la récolte.
Le climat de l’année a entrainé une maturité exceptionnellement précoce. Les blancs sont vendangés à la mi-août. Si les rendements sont légèrement déficitaires, la qualité est là : des baies mûres, gorgées de fruits. Les vins blancs sont gras avec des arômes de fruits exotiques : ananas, passion, mangue. Les premiers rouges sont récoltés début septembre. Là encore les fruits sont petits mais concentrés de sucres, de fruits mûrs et de tanins doux. Les vins révèlent des couleurs sombres, des arômes de fruits noirs, de violette, d’épices. Les bouches sont rondes avec des tanins fondus, sucrés, comme des petits bonbons. Tous les cépages sont réussis, chacun avec sa personnalité. Tous les vins sont bons, et c’est à ça qu’on reconnait un grand millésime. La qualité est là ; dans tous les chais les vins sont magnifiques ! La viticulture a perdu la bataille de la quantité mais elle a gagné celle de la qualité. Fin du match. Viticulteurs 3 – 2 Nature.
Epilogue.
Les conditions climatiques du millésime 2022 ont été, une nouvelle fois, difficiles et éprouvantes pour les viticulteurs. Ils ont su s’adapter et se battre pour mener la récolte à son terme. Si les quantités produites sont faibles, les vins sont superbes et répondent parfaitement à la demande des marchés. Un nouveau combat se prépare : celui de la commercialisation de ces vins. La viticulture a fait sa part du travail. Au commerce de lancer son offensive sur les marchés avec ses troupes de commerciaux, distributeurs, négociants, communicants… Il faut gagner cette bataille là aussi. Sinon le combat des viticulteurs n’aura servi à rien.
Pour le millésime 2022, il a gelé dans de nombreux secteur en début de printemps (avril) , seules les parcelles plus précoces ont été touchés. Après la gelée c’est la grêle qui a touché plus au moins partiellement nos vignobles au mois de juin. Enfin on a pu constater sur toute la période de croissance de la sécheresse accompagnée de très forte températures, par conséquent, les vendanges sont précoces. L’état sanitaire du raisin est parfait.
Les échaudages et les dégradations de feuillages sont importants. L’eau tombée ces derniers jours fait énormément de bien pour le moment mais accélère la maturité des raisins. Le taux du sucre a tendance à augmenter mais la peau de raisin est assez épaisse donc il y a moins de jus. Au contraire l’acidité du raisin est assez faible. Il est important de conserver cette acidité par rapport aux taux de sucre pour parvenir à un vin équilibré. Comme les raisins sont très sains, il est particulièrement intéressant de mettre un certain pourcentage des rafles (grappes entières) pour apporter de la fraîcheur et pour baisser légèrement d’alcool.
La quantité de la récolte est un peu faible à cause de ces facteurs mais le potentiel qualitatif est extraordinaire… Je me projette à long terme sur ce millésime, à condition que l’acidité du vin soit là !
Nous avons eu très peu d’eau depuis la fin juin, avec tout de même, heureusement, 50 mm environ de pluie après le 15 août. Les canicules successives ont engendré un blocage physiologique de la vigne, ce qui ne donnera donc pas forcément de gros degrés. Notons aussi que les peaux sont très épaisses, du jamais vu dans ma carrière professionnelle.
Mais la qualité et l’état sanitaire de nos raisins sont excellents ! Ensuite la quantité est tout de même conséquente, ces rendements sont des plus satisfaisants au regard de ces conditions météos. Il nous tarde de déguster ce millésime…
Les raisins mûrissent vite, il faut être plus réactif que les autres années pour la récolte et cela demande une grosse organisation aux pressoirs et en cuverie. La quantité sera inférieure à la moyenne, surtout sur les blancs (sauvignon et chardonnay) qui ont été impactés par les gelées du mois d’avril, alors que la vigne se réveillait à peine, et par les canicules de juin et juillet.
Le potentiel qualité est là avec des raisins sains, un très bel équilibre sucre/ acidité. La pluie de début août a heureusement permis une acidité suffisante malgré le soleil abondant.
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