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Carnet Primeurs Millésime 2024

Notes sur les dégustations primeurs du millésime 2024 avec Lucile Leclercq, Oenologue consultante à Enosens, « Finalement, ce millésime est une belle surprise ».

 

 

L’événement annuel des Primeurs, tant attendu par la filière, s’est déroulé dans une ambiance conviviale et chaleureuse, malgré une certaine gravité liée au contexte économique très difficile pour le secteur viticole. Ainsi, nos échanges en tant que professionnels ont porté autant sur la qualité du millésime que sur les perspectives commerciales et l’avenir du vignoble bordelais.

 

Le nombre de visiteurs était inférieur à celui des années précédentes, cependant, l’essentiel réside dans la présence active des vignerons pour cet événement. La présentation des primeurs est un moment stratégique qui leur permet de présenter ce nouveau millésime, saisir l’opportunité d’établir des contacts commerciaux ou de recueillir des notes de dégustation pour booster leurs ventes.

 

Cette année encore, certains événements ont été ouverts au public, ce que je trouve être une excellente initiative. Cela permet aux amateurs intéressés par les appellations bordelaises de découvrir cette formule des primeurs, tout en ayant la possibilité de déguster des vins livrables et d’échanger directement avec les producteurs.

 

Ce millésime ne présageait pas une récolte quantitative à cause du mildiou et de la coulure/millerandage. On pouvait avoir de sérieux doute sur la qualité finale avec les conditions pluvieuses et fraiches, le manque de chaleur et de lumière mais également les vendanges précipitées à cause du Botrytis. Finalement, le millésime 2024 est une belle surprise et les propriétés ayant pu adopter des stratégies viticoles et vinicoles rigoureuses ont su tirer leur épingle du jeu. Les vins, encore en cours d’élevage, se distinguent par leur fraîcheur, leur précision aromatique et des niveaux d’alcool modérés.

 

Les vins blancs secs : rondeur, fraîcheur et agrumes.

 

(c) Jean-Bernard Nadeau

2024 est avant tout un millésime de blancs. La récolte s’est déroulée dans des conditions optimales de températures ce qui a limité les phénomènes d’oxydation et a préservé tout le potentiel aromatique. Les blancs sont particulièrement réussis avec une grande pureté, une belle expression aromatique et des bouches caractérisées par leur fraicheur mais tout en rondeur. Certains lots marqués par l’acidité ont nécessité du travail pour donner de la matière en milieu de bouche. Le choix de l’élevage sur lies avec des bâtonnages a permis de tempérer l’acidité en apportant volume et longueur et ainsi rattraper ce déséquilibre.

 

Les sauvignons expriment agrumes, notes de pêches et d’exotiques avec une bonne capacité de garde grâce à une acidité qui leur confère tension et longueur. Les sémillons sont souples, frais, voire ample pour les plus réussis. En assemblage les vins présentent complexité, ampleur et gras en bouche avec une tension tout en équilibre et une finale parfois saline. Certains blancs sont encore en élevage sous-bois, et grâce à l’acidité du millésime, l’intégration du boisé est pour l’instant très réussie, élégant et fin.

 

 

Liquoreux « agrume confit, exotique, acidulé ».

 

Dès le début des vendanges, les conditions sont propices à l’apparition de la pourriture noble. Sur les sémillions et comme pour les blancs secs, les liquoreux en sud gironde présentent une fraicheur incomparable qui rend les bouches acidulées mais équilibrées. La liqueur cette année est plus modérée que les deux derniers millésimes mais elle peut parfois être importante allant notamment jusqu’à 20%vol sur la rive gauche alors que sur la rive droite les équilibres en sucre ne dépassent pas les 17%vol.

 

Ce millésime 2024 est un millésime de pourriture noble, sans passerillage, où les vins sont fruités, complexes, présentant des arômes d’agrumes confits et de fruits exotiques, tout en fraicheur.

 

 

Les rouges : « fraicheur aromatique, sucrosité, buvabilité ».

 

(c) Jean-Bernard Nadeau

L’évolution lente de la maturité et la fraicheur tout le long du cycle de la plante ont favorisé des vins fruités, colorés avec une très bonne buvabilité d’ensemble et un degré alcoolique modéré. La structure tannique est fine, avec des lots plus ou moins concentrés selon les terroirs. Les terroirs trop humides, sur lesquels la vigne est vigoureuse, où les raisins ont mûri difficilement, les arômes restent discrets, frais et les bouches sont souples voire simples. A l’inverse, les meilleurs terroirs ont favorisé le fruit, la rondeur et l’équilibre.

 

Au vignoble, l’effeuillage a été un choix qualitatif risqué mais payant, tout comme le choix des dates de vendanges, essentiel pour trouver un compromis entre la maturité des grappes et l’état sanitaire. Le tri et le nettoyage des raisins ont permis d’obtenir des profils nets malgré la présence de Botrytis. En cave, les choix d’extraction ont été cruciaux, et la bonne gestion des presses a permis leur revalorisation dans les lots principaux pour renforcer la densité des bouches.

 

L’élevage, notamment le bâtonnage des lies, a apporté volume et sucrosité sur les lots déséquilibrés. La proportion de barriques neuves, la chauffe et la durée de l’élevage vont aussi influencer le résultat final, visant à équilibrer les bouches en apportant densité, structure tout en préservant le fruité.

 

Ainsi, les choix opérés au vignoble et au chai, combinés à l’effet terroir ont permis de produire dans l’ensemble des merlots qui présentent de bonnes couleurs aux teintes violacées, des arômes de petites baies dominent, souvent le cassis et parfois la cerise rouge avec des bouches souples, gourmandes avec de la sucrosité, rondes et fraiches. Les Cabernets francs sont souvent moins concentrés mais très aromatiques, avec un profil floral, et frais. Les Cabernets sauvignons, autre surprise du millésime pour ce cépage tardif. Les couleurs sont soutenues, les arômes mêlent petits fruits noirs et parfois des notes d’épices et de menthol, avec des bouches plus ou moins denses et structurées mais aux tanins fins et une certaine sucrosité.

 

Au final une belle complémentarité pour ces cépages gage d’assemblages qui permettront à la fois d’élaborer des vins d’élevage et d’autres plus friands pour une consommation plus rapide où ces derniers répondent finalement aux attentes d’un grand nombre de consommateurs..

 

 

Lucile Leclercq

 

Enosens Cadillac

 

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