Les vignerons de la Presqu’île bordelaise aimeraient faire reconnaître leur produit au travers d’une AOC. Hélène Larrieu, directrice de l’organisme de défense et de gestion Médoc, Haut-Médoc et Listrac-Médoc, détaille ce projet collectif dont le cahier des charges pourrait être validé courant 2025.
Hélène Larrieu : La première raison pour laquelle les vignerons ont demandé d’inclure les vins blancs dans le cahier des charges qui protège les vins du Médoc était de protéger des pratiques et un savoir-faire local qui ont une antériorité importante. Ils voulaient aussi faire reconnaître des qualités organoleptiques communes et spécifiques à une région, et donc une typicité hiérarchiquement supérieure à Bordeaux. Ce besoin d’affirmer une identité commune a été clairement amplifié par la labellisation en 2019 de notre péninsule géographique en Parc naturel régional. Beaucoup ont réalisé que l’on pouvait faire des Bordeaux blancs partout, mais que du Médoc blanc, c’était autre chose
Tous les terroirs ne sont pas aptes à produire des blancs, et chacun garde en tête qu’il faut produire ce que l’on est capable de vendre. Personne, même les grosses propriétés, n’est passé à 5 ha de cépages blancs. Il n’y a pas de grosse bascule. La moyenne aujourd’hui est plus de l’ordre de 2 ha par exploitation, et la surface totale en blanc dans le Médoc est de 208 ha (sur un vignoble d’environ 5.500 ha, ndlr) dont 180 ha qui pourraient prétendre à la reconnaissance. Cela représente une production de 5.000 hl en 2023. En comparaison, elle était de 1.800 hl en 1969, et de 17.000 hl dans les années 30.
Nous n’avons pas touché à la délimitation géographique de l’appellation Médoc car elle a été dessinée il y a très longtemps, lorsqu’il y avait déjà des vignes blanches. En ce qui concerne les cépages, nous en avons une quarantaine qui sont plantés car les vignerons du Médoc ont toujours été très curieux. On trouve par exemple du chardonnay, du chenin et du gros manseng. Mais pour des raisons administratives et de cohérence territoriale, nous avons choisi de rester sur les cépages du cahier des charges de l’appellation régionale. C’est-à-dire du sauvignon blanc et du sauvignon gris, du sémillon et de la muscadelle. Nous avons aussi les fameuses variétés d’intérêt à fin d’adaptation (VIFA) qui ont été intégrées dans la liste de Bordeaux : le floréal, le sauvignac, le souvignier gris, l’alvarinho et le liliorila.
C’est là que nous allons plus loin que l’appellation Bordeaux. En faisant des dégustations à l’aveugle nous avons pu identifier des pratiques cruciales pour obtenir des vins blancs avec un profil médocain. La plus importante d’entre elles, c’est un passage en contenant de bois, quelle que soit sa taille. Cet élevage ne sert pas du tout à boiser les vins. Ici, la proximité de l’océan et de l’estuaire donne aux vins une salinité qui a besoin d’être portée par les tanins du bois. Sans eux, cette complexité aromatique ne tient pas, et les vins ne sont pas qualifiés de médocains. Nous avons donc inscrit l’obligation d’élever les vins jusqu’au 31 mars – comme pour les rouges – avec un passage d’au moins 30 % du volume en contenant bois, sachant que certains font du 100 %. Ces vins blancs étant plutôt des vins de garde, nous nous sommes dirigés vers un conditionnement en verre afin d’éviter les risques d’oxydation.
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