Accueil / Nouveautés / Ils se sont diversifiés avant la crise du vin à Bordeaux
Diversification. Le mot a longtemps été tabou en Gironde, premier département viticole de France avec ses 115 000 hectares. Synonyme de régression dans un département où, à partir des années 1980, la monoculture en vigne a supplanté la polyculture.
Olivier Reumaux, viticulteur dans l’Entre-deux-Mers, en sait quelque chose, lui qui s’est mis au maraîchage dès 2006, alors qu’il était âgé de 43 ans. “Quand je me suis lancé, un très bon copain m’a dit “mais pourquoi tu te casses la tête à faire ça ?”, raconte-t-il en faisant visiter son exploitation où vignes, serres et poules pondeuses cohabitent. « Il était dans l’optique “je gagne ma vie avec ce que je fais, ça marche, pourquoi le remettre en question ?” » Mais il était déjà vital “d’élargir la palette”, et une offre locale de légumes, à côté des salades venues d’Espagne, n’attendait que d’être créée.
Seulement, à cette époque en Gironde, il n’existe ni d’aide technique ni financière pour qui souhaite faire autre chose que de la viticulture. Passionné d’agronomie, Olivier Reumaux se rend dans les départements voisins pour se former auprès d’agriculteurs. Il réalise ses premières ventes de légumes en 2007, soit un an après la création de l’atelier. “Le maraîchage nécessite des connaissances pointues et un travail irréprochable du sol, témoigne-t-il. Heureusement, aujourd’hui, l’accompagnement s’est développé.”
Son parcours fait écho à celui emprunté quinze ans plus tard par Fabien Bougès. “La chambre d’agriculture ne propose pas d’aide technique sur la culture de l’olivier puisque ça n’existe pas encore ici, ou très peu”, souligne l’oléiviticulteur. Avec son épouse, ils se sont donc rendus au Sitevi de Montpellier, puis ils ont rencontré l’association France Olive. “Ils nous ont dit que chez nous ça ne pourrait pas marcher.” Depuis presque deux ans, ce viticulteur installé dans le Sud-Gironde est aussi oléiculteur. En plus de ses 32 hectares de vignes, dont il apporte les raisins à la cave coopérative, il s’occupe aujourd’hui de 540 oliviers plantés sur une parcelle de 2 hectares. De son côté, son épouse élève 200 poules pondeuses. Un tournant mûrement réfléchi par ce couple de quarantenaires qui travaillent en bio. “On a commencé à se poser la question de la diversification fin 2018, se souvient celui qui a repris l’exploitation familiale en 2011. On bénéficiait encore de l’embellie sur le vin bio avec des bons prix et des ventes rapides, mais on savait que ça n’allait pas durer. De plus en plus de viticulteurs se convertissaient en bio. On s’est donc dit que pour pérenniser l’exploitation, il fallait se diversifier.”
Le couple est néanmoins convaincu que la production et la transformation d’olives sont le bon choix face au changement climatique. “Nous voulions un produit de niche, haut de gamme et qui correspond aux contraintes climatiques de l’avenir.” L’oléiculture française ne couvre aujourd’hui que 4 % de la consommation française d’huile d’olive. Un litre de cet or vert produit en France se vend entre 20 et 45 euros. Pas découragé, Fabien Bougès suit une formation de quinze jours dans le sud qu’il complète encore aujourd’hui par des lectures et des conseils glanés auprès de France Olive et de la chambre d’agriculture de l’Aude.
Au printemps 2021, le projet se concrétise : plus de 500 oliviers de 14 variétés différentes sont plantés sur un terrain qui appartient déjà à l’exploitation. Côté financier, la plantation a nécessité 20 000 € d’investissement. Seule l’irrigation a bénéficié d’une aide financière fournie par le conseil départemental de Gironde. Mais d’autres dépenses se profilent : la plantation ce printemps de trois hectares supplémentaires, et l’achat, l’automne prochain, d’un moulin à huile pour transformer les olives.
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