Accueil / Portraits d’acteurs / Portrait d’acteur : Yannick Evenou
Œnologue Diplomé de l’Université de Bordeaux, Yannick Evenou « décroche son premier job » auprès de Jean-Michel Cazes pour lequel il travaille de 1990 à 1997. « C’était l’époque de la création d’AXA Millésimes, » se souvient-il, « la période d’explosion de l’empire Cazes ».
Pendant ces années, en « véritable couteau-suisse », il occupe un peu tous les postes de la production à la distribution, avant de rejoindre Jean-Marie Chadronnier au CVBG, comme directeur en charge du développement du réseau Asie-Pacifique puis responsable des vignobles Kresmann. Yannick Evenou se lance ensuite, en s’associant au sein d’une tonnellerie, dans une aventure entrepreneuriale : découverte de vignobles parmi les plus beaux de la planète et belles rencontres jalonnent ces trois années passionnantes.
Prenant la tête des vignobles Clément Fayat, il se consacre à partir de 2009 à leur restructuration, à la création du Château Fayat Pomerol avec en point d’orgue, la rénovation de La Dominique, « un projet hors norme conduit avec Jean Nouvel pour élaborer un outil aussi spectaculaire que performant au service des vinifications. » Une page se tourne avec le départ de Clément Fayat. Yannick Evenou décide de marquer une pause pendant laquelle il prend notamment le départ de la Solitaire du Figaro 2015.
De retour sur la terre ferme, ses pas le guident à nouveau vers la vigne, assumant à plein temps la gestion de Château Réaut à partir de 2016. Longtemps restée dans le giron de la famille Réaut, cette propriété de Cadillac Côtes de Bordeaux est acquise en 2003 par le groupe Roederer qui procède à sa transformation. Dans l’esprit grand cru, le vignoble est replanté en haute densité avec sélection massale issue de premiers crus de Bordeaux. Les vignes nouvelles livrent leur premier millésime en 2009, date à laquelle le groupe champenois souhaitant se recentrer sur d’autres domaines, décide de s’en séparer.
A l’époque, Yannick Evenou réunit un petit groupe de passionnés, mêlant à parts égales Bordelais et Bourguignons, pour acquérir ce beau terroir de la Rive Droite, implanté sur un coteau ensoleillé et naturellement drainé faisant face à l’appellation Sauternes. Pour permettre au domaine d’exprimer tout son potentiel, Yannick Evenou met en place un système d’investisseurs privés appelés à venir élargir le noyau des associés de départ.
Pour mener à bien cette levée de fonds et la création de ce groupement foncier viticole, il faut trouver 250 entrants. Devenant propriétaires de quelques rangs de vignes, ceux-ci les louent à Réaut qui s’acquitte en retour d’un loyer versé en bouteilles de vin. L’opération est un succès qui voit le nombre de copropriétaires finalement s’élever à 400. Aujourd’hui, « Château Réaut, c’est une famille de près de 700 copropriétaires originaires de 26 pays » qui se réunit chaque année pour « un gueuleton énorme au moment des vendanges ».
Accueillir ainsi plusieurs centaines de personnes, en plein boom à la vigne et aux chais est une vraie gageure. « Mais, je ne regrette pas une seconde, les efforts énormes consentis chaque année depuis 11 ans pour réunir toutes ces personnes d’horizons multiples ayant pour point commun leur attachement au domaine. » Ayant trouvé des hectares à acquérir aux alentours de Réaut, Yannick Evenou s’est fixé pour objectif d’atteindre les 1 000 copropriétaires d’ici à trois ans.
Au-delà de la qualité de ses vins, saluée par les critiques dès 2009 et le premier millésime post-restructuration, « l’originalité de Réaut tient à son modèle économique, unique au monde à cette envergure » affirme Yannick Evenou, convaincu que « ce montage constitue un modèle tout à la fois rentable et vertueux permettant de valoriser l’hectare, fidéliser les clients et en faire des ambassadeurs. » Face à la crise qui secoue nombre de vignobles, il juge que « ce schéma pourrait être adopté par d’autres propriétés pour sortir de la nasse. »
Quel bilan après 10 ans passés à la tête du domaine ? « Quand nous avons débuté, Réaut était une propriété sans marque, totalement nouvelle, sur une appellation peu porteuse. » Avec le recul, il semble que le schéma de la multipropriété se soit révélé un outil de promotion efficace. A Réaut les prix pratiqués, juste reflet du travail engagé et des notes de dégustation, sont trois fois plus chers que ceux pratiqués dans le reste de l’appellation. Si Réaut peut se le permettre, et s’en sortir, c’est grâce à son réseau de 700 copropriétaires et son système pyramidal par lequel se font 70% de ses ventes.
« On ne fait pas fortune pour autant, » nuance Yannick Evenou. « Pour l’instant, on survit » du fait des investissements réalisés en 2018 pour moderniser les chais et créer une offre œnotouristique, dont un restaurant avec terrasse panoramique surplombant les vignes, récemment récompensés par l’attribution d’un Best of Wine Tourism d’Or. Pourtant, « la gestion de ces nouveaux outils est encore à peaufiner », de même qu’il convient de continuer à renforcer la marque Réaut et la renommée du domaine dans son ensemble.
Philosophe, Yannick Evenou rappelle que « les choses prennent du temps, à l’instar des crus de Bordeaux, classés en 1855 et qui ont fini par exploser dans les années 1980 ! »
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