Au niveau mondial, les profils de sauvignon les plus récents et les plus typés ont émergé, contre toute attente, dans la région de la Styrie du Sud, dans la partie méridionale de l’Autriche, il y a une dizaine d’années. Sous l’effet du climat frais, des coteaux alpins très abrupts et – sans doute – d’une touche de retenue typique de la culture autrichienne, la dimension plus sauvage du sauvignon a été domptée pour assumer une pureté et une austérité linéaires que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Ce sauvignon-là ressemble plus à du riesling bien sec. Tout cela nous ramène au sauvignon slovène d’aujourd’hui. Partageant sa frontière nord avec la Styrie du Sud, la Slovénie est apte à élaborer du sauvignon autrichien, mais elle se démarque aussi par sa capacité à proposer une diversité de styles de type « Štajerska », métissé de nuances slaves plus chaleureuses, plus piquantes et plus passionnées.
Au cours de la dernière décennie, trois facteurs culturels ont donné un bon coup de pouce à la culture du sauvignon slovène. Tout d’abord, les Slovènes ont observé les efforts concertés de la Styrie voisine pour élaborer du sauvignon hautement qualitatif et se sont rendu compte qu’ils avaient le potentiel de réussir tout autant.
Deuxième étape importante : la conférence dédiée au sauvignon en 2014 à Zagreb, qui avait pour thème « Un cépage, trois pays, trois régions, un terroir ». Cette conférence s’est avérée déterminante pour rétablir les liens entre l’Autriche, la Slovénie et la Croatie, qui partagent le « terroir styrien » austro-hongrois.
Troisième facteur : la création du festival de dégustation Salon Sauvignon* à Ptuj. Cet événement annuel sur une journée, orienté vers les consommateurs, a créé le buzz parmi un public de jeunes, impatients de découvrir et de se ranger du côté des profils de sauvignon les plus novateurs. Le sauvignon est devenu sexy.
En filigrane s’opérait une révolution technologique qui a permis d’améliorer sans cesse la qualité des vins slovènes au cours des deux dernières décennies.
Janez Valdhuber, professeur à l’université de Maribor et œnologue chez Falot, précise que les avancées qualitatives du sauvignon ont été nettement favorisées par la transition vers les cuves en inox sous maîtrise de températures, et par l’utilisation et le perfectionnement de levures inoculées qui « optimisent les précurseurs d’arômes du sauvignon ». Il souligne par ailleurs, « une grande tendance à s’appuyer sur la macération pelliculaire avant de presser les raisins ».
L’évolution des pratiques culturales a également joué un rôle majeur. Janez Valdhuber indique que le passage du système traditionnel de palissage « à deux bras par pied (Guyot double) au Guyot simple actuellement en vigueur a été un facteur déterminant ». Cette transition a entraîné une baisse significative des rendements, qui sont passés à 1-1,5 kg/cep, ce qui a favorisé une maturité équilibrée et une plus grande concentration dans les raisins. Selon le professeur universitaire, « les vignerons obtiennent ainsi une maturité optimale neuf années sur dix désormais, contre deux à quatre sur dix auparavant ».
Janez Valdhuber résume dans les grandes lignes l’évolution des profils de sauvignon au fil du temps : « Dans les années 1990-2000, il existait pléthore de vins à base de sauvignon avec du sucre résiduel [8-20 grammes], conjugué à une acidité relativement élevée (liée au climat plutôt frais). De nos jours, on trouve plus de fruité et un très bon équilibre gustatif. Il existe encore quelques sauvignons « verts », mais on est surtout sur des profils fruités dorénavant ».
La production de sauvignon est centrée sur deux zones. La région de Štarjerska est la plus vaste et la plus fraîche ; elle couvre la majeure partie de la Slovénie orientale (ancienne Basse-Styrie). Les sous-régions de Brda et Vipava, situées à l’extrême ouest du littoral slovène, sont considérablement plus chaudes, bordant les régions italiennes du Frioul et de Collio et sous influence du climat méditerranéen.
De nombreux producteurs slovènes imaginent un style slovène styrien dominant qui serait plus léger, plus floral et plus fruité que celui de la Loire, et moins herbacé et exotique que dans l’Hémisphère sud. La recherche de la netteté et de la pureté fait l’unanimité. Le sauvignon slovène frappe principalement pour son côté plutôt sec (0-3 gr) et la pureté de son fruit. Globalement, les vins affichaient un bon niveau d’acidité naturelle, bien équilibré par rapport à la maturité du fruit. L’absence d’arômes végétaux puissants conférés par les pyrazines semble généralisée.
Il est intéressant de noter que dans les régions plus fraîches, les arômes caractéristiques de buis se substituent au registre végétal plus vert. Les notes d’épices, de fleurs et de menthe sont également courantes, associées aux arômes de fruits de type agrumes, groseille à maquereau et pomme Granny-Smith. Les vins plus chaleureux provenant de Jeruzalem-Ormož se montrent globalement plus corsés, moins floraux, plus fruités et moins acides. Les cuvées issues des régions côtières sont encore plus chaleureuses, plus amples, beaucoup plus fruitées (dans le registre pêche et fruits exotiques) et moins acides.
Partant de là, je pense que le sauvignon slovène est en route vers un avenir glorieux
Source : Comité Sauvignon
Les organisateurs du Concours Mondial du Sauvignon ont mis en place un comité de pilotage composé de 8 professionnels du vin ayant des compétences rédactionnelles et une connaissance du cépage. Ils constitueront, au fil des mois, un fonds documentaire dans lequel professionnels et consommateurs pourront aller puiser pour en savoir plus sur ce cépage aujourd’hui omniprésent dans le monde, mais qui n’a sans doute pas encore révélé toutes ses qualités et ses spécificités.
Les membres du Comité de pilotage : Pedro Ballesteros : Master of Wine (Espagne) ; David Cobbold : journaliste à Vino BFM, Les 5 du vin (Royaume-Uni/France) ; Carien Coetzee : Basic Wine, Sauvignon Blanc South Africa ; Valérie Lavigne : chercheur-professeur (France) ; Sharon Nagel : journaliste freelance (Royaume-Uni/France) ; Deborah Parker Wong : SOMM Journal et The Tasting Panel (USA) ; Maurizio Valeriani : www.vinodabere.it (Italie,) ; Paul White : journaliste au World of Fine Wine, Decanter (Nouvelle-Zélande, Etats-Unis, France) et Frédéric Galtier : consultant Desembolic (Espagne).
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