«Notre cale est comme une cave flottante avec une isolation hyper développée et un système de stabilisation des palettes. Cela permet un contrôle de température et d’hygrométrie : la température restera stable pendant tout le transport, autour de 16 ou 17 °C. Il faut éviter les variations de température. Nous ferons deux voyages par an vers l’Amérique, un au printemps, en passant plus au sud, et un en automne, en passant plus au nord », explique Mathieu Riou, responsable vins et spiritueux chez Grain de Sail.
Créée en 2012 à Morlaix (29), l’entreprise est née sous l’impulsion de trois associés, François Liron, Jacques et Olivier Barreaux, soucieux des questions environnementales et issus des secteurs maritimes et éoliens off-shore. « L’entreprise a d’abord commercialisé du chocolat et du café avant de lancer la construction du cargo voilier. En 2016, nous avons créé une chocolaterie. Le chocolat représente 90 % de notre chiffre d’affaires pour l’instant.»
Pour les vignerons, l’opportunité de transporter les vins durablement peut changer la donne. « Nous sommes un domaine familial de 5 ha, en biodynamie. Nous sommes en faveur du respect social, j’emploie plus de monde qu’un domaine en conventionnel de la même taille. Toute cette dimension durable va au-delà d’un vin qui est bien fait, nous sommes dans des exigences personnelles. Même si nous travaillons avec une certification comme Demeter, nous voulons aller plus loin dans cette question de la pollution de nos transports. Le voilier nous a tout de suite intéressés », explique Antoine Arraou propriétaire du Château Lafitte, à Monein, dans le Sud-Ouest. Jusque-là l’export ne représentait que 15 % des ventes du Château Lafitte : en majorité vers l’Espagne, proche géographiquement, et en faible proportion vers les pays nordiques, concernés par les questions environnementales. « Le transport par Grain de Sail nous permettra de nous ouvrir au commerce outre-Atlantique. C’est une occasion de s’exporter sur ce marché, qui est intéressant car les Américains sont producteurs et amateurs, et ils ont une culture du vin », confie Antoine Arraou
Le voilier cargo en construction sera un écrin de 25 m de long et de 6 m de large. À l’aller, il acheminera les vins vers l’Ouest. Il peut recevoir 35 tonnes, soit 26 palettes. « Le bateau sort du chantier en février et le départ est fixé mi-mars depuis Morlaix, direction les États-Unis avec 18 000 cols de vins bio, biodynamiques et naturels. Nous nous occupons de tout : nous achetons directement aux vignerons sur leur propriété, nous stockons puis chargeons les produits. Une fois arrivés, nous déchargeons et nous vendons les vins. Je rencontre des vignerons de toute la France. La Bretagne n’est pas une terre viticole, elle n’est donc pas liée à une région. Pour le premier voyage, les vins seront issus de Champagne, de Bourgogne, de Provence, du Val de Loire, de la vallée du Rhône, et du Sud-Ouest. Ils sont au minimum bio, avec une majorité de biodynamie. Et pour le nature, nous limitons la quantité afin d’étudier son évolution pendant le trajet. Nous sommes distributeurs et nous avons aussi créé une gamme, avec un jeune négociant en Bourgogne qui vient de s’installer, de plusieurs cuvées en côtes-de-nuit et bourgogne. »
Construit en Bretagne, le deux-mâts en aluminium de 72 pieds naviguera avec un équipage de quatre marins à son bord. « Pour aller à New York, nous sommes dépendants de la météo, cela prendra entre deux semaines et un mois, et même chose pour revenir. S’il n’y a pas de vent, il faudra le chercher, attendre, on est à la merci de la nature. Cela peut aller plus vite ou plus lentement que prévu », explique avec sagesse Mathieu Riou. Au retour, le cargo voilier, qui sera baptisé Grain de Sail, passera par l’Amérique centrale pour ramener en France les matières premières destinées au chocolat.
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