Accueil / Portraits d’acteurs / Portraits d’acteurs :
Malika El Mir et Raphaël Rouzes
Malika El Mir (technicienne agricole) et Raphaël Rouzes (éco-entomologiste agricole), fondateurs de la société Entomo-Remedium.
Photos Jean-Bernard Nadeau – Images Drone Stéphane Labaurie – Réalisation Arnaud Fleuri – Interview Frédérique Nguyen Huu.
Malika El Mir et Raphaël Rouzes : travailler le minuscule
Entomo-Remedium, derrière ce nom un peu étrange se cachent deux passionnés et une philosophie visant à tirer parti de la multitude d’insectes qui nous entourent pour favoriser le fonctionnement des terres cultivées et la biodiversité dans son ensemble.
Tout commence, loin des insectes et du milieu agricole sur les bancs de l’Université Sabatier de Toulouse où se rencontrent Malika El Mir et Raphaël Rouzes. Ils suivent alors un cursus en biologie. Dans son entourage, comme dans la spécialisation en biochimie qu’elle choisit à la fac, rien ne destinait Malika El Mir aux missions qu’elle occupe aujourd’hui au sein de l’Entomo-Remedium, cette start-up spécialisée en entomologie-agricole et agro-écologie qu’elle fonde avec Raphaël en 2010. Une fois diplômée, elle débute d’ailleurs sa carrière dans le secteur du tourisme, puis de l’œnotourisme, avant de revenir vers un domaine qui lui est cher en se consacrant à la vigne sur le terrain de l’expérimentation en laboratoire d’œnologie. Au cours des premières années de l’aventure, c’est elle qui fait vivre le couple, en continuant d’occuper des fonctions salariées permettant à son compagnon de s’investir entièrement dans le lancement de leur société.
Pour Raphaël Rouzes, les influences sont plus évidentes. Une famille de paysans occitans du côté de sa mère, et un père, entomologiste amateur. Après une spécialisation en agro-écologie, il poursuit ses études à Tours où il obtient un Master 2 en entomologie. Son stage de fin d’études dans une association pionnière en agroforesterie lui donne l’occasion d’explorer plus avant ce domaine qui lui tient déjà à cœur en travaillant sur le développement de haies champêtres et leurs effets sur les communautés d’insectes auxiliaires. Alors que ses études le destinent plutôt à un poste d’ingénieur à l’INRA, Raphaël Rouzes, fait le choix de l’entreprise.
Une décision qu’aujourd’hui, « il ne regrette absolument pas ! » Il commence sa carrière en travaillant en expérimentation générale avec l’entomologie en point d’orgue. Assez vite, l’envie de « voler de ses propres ailes » se fait sentir. Avec Malika, ils fondent l’Entomo-Remedium. Leur objectif ? Lutter contre l’érosion de la biodiversité par l’apport de nouvelles pratiques agricoles centrées sur les insectes. Dès lors, leur vie tourne autour de ces petites bêtes, habitants minuscules et souvent ignorés ou méconnus des écosystèmes qui représentent cependant 75% des espèces animales vivantes. Malika et Raphaël s’attachent à mieux connaître et préserver cette vie, constituée de pollinisateurs, ennemis des ravageurs ou ingénieurs du sol qui constitue un atout précieux pour l’agriculture.
Entomo-Remedium : aider l’existant pour renforcer la biodiversité
Terres agricoles, arbres fruitiers, vignes, quelle que soit leur mission, au départ, Malika et Raphaël se posent toujours les mêmes questions. Qui sont-ils ? Que font-ils ? Pourquoi sont-ils là ? Comment les aider à intervenir en faveur des acteurs agricoles ? Leurs interventions visent à établir une analyse d’un domaine ou d’une exploitation à partir d’une série de prélèvements. Elles s’accompagnent toujours aussi de beaucoup de pédagogie.
« Artisans en entomologie agricole », il leur arrive tout aussi bien de collaborer avec des exploitants déjà très engagés en biodynamie comme avec d’autres acteurs encore aux antipodes de ce type de pratiques. Ils aiment l’aspect « sur mesure » de leur travail qui les conduit à s’adapter à chaque client, à sa façon de travailler, aux spécificités de son terrain et de son environnement.
Pour expliquer plus en détails leur travail, ils nous racontent leur matinée, passée à poser des pièges dans un domaine de Pessac-Léognan. Dans une semaine, ils viendront prélever, battre la vigne et récolter. Cela leur permettra de connaître l’entomo-faune, utile ou nuisible, puis de mettre en place un suivi de la biodiversité et des dynamiques de population. Ensuite, ils établiront un rapport sur l’état de santé du domaine, mettant en évidence points forts et points faibles, et préconisant une marche à suivre.
S’inscrivant dans la lutte biologique par conservation d’habitats, leur démarche ne consiste jamais à introduire de nouvelles espèces mais à comprendre le fonctionnement d’un lieu, souvent en concertation avec les autres prestataires y intervenant, et proposer des aménagements et des pratiques visant à « donner un coup de pouce aux espèces existantes ». L’idée, c’est de « rester dans l’existant et d’aider les éléments présents à coloniser les cultures en actionnant quelques leviers efficaces. »
Ce qu’ils aiment dans leur pratique ? Tout. Et notamment, le fait que leur travail n’est jamais le même. Au sein d’une même appellation ou sur des exploitations voisines, les choses peuvent changer du tout au tout suivant les pratiques culturales, l’importance ou l’absence d’enherbement, la proximité d’une zone sauvage, ou la présence de haies, de ronciers, autant d’éléments permettant d’augmenter la biodiversité.
Et maintenant ?
Lancée il y a près de 10 ans, leur société fonctionne désormais à un bon rythme. « Nous avons eu la chance de trouver des oreilles de plus en plus attentives, de nous lancer à un moment propice coïncidant avec une demande croissante en faveur de pratiques agricoles novatrices permettant de réduire le recours aux pesticides ».
Comment voient-ils l’avenir de leur structure qui profite aujourd’hui d’une belle dynamique ? Dans les années à venir, ils souhaitent continuer de mettre l’accent sur la pédagogie et la formation pour renforcer la sensibilisation autour de la biodiversité. Ils réfléchissent également au développement d’un outil informatique qui donnerait plus d’autonomie au viticulteur ou à l’agriculteur lui permettant de connaître la composition de son entomo-faune à partir d’une simple photo par exemple.
Malika et Raphaël souhaitent aussi continuer de faire avancer les choses en matière de biodiversité en s’inscrivant dans une perspective agricole plus générale. Leur volonté : œuvrer au développement d’une agro-écologie porteuse d’une vision plus large, englobant une réflexion sur le paysage et la mise en place d’aménagements favorisant l’exploitation mais également son environnement. L’idée est un peu « utopiste dans la mesure où les pratiques ne changent pas du jour au lendemain », mais vaut la peine d’être défendue et poursuivie.
Making of
En savoir plus sur Entomo-Remedium
De la science au champ en circuit court pour une agriculture productive et agroécologique. C’est concret, ça plait aux agriculteurs qui retrouvent du sens dans leur métier, et ça marche à un point qu’il faut le voir pour le croire !!! FD60