Interview de Bernard Farges, président du Syndicat Viticole des Bordeaux et Bordeaux Supérieur : “Les vignerons ont retrouvé le sourire”
par Bernard Sirot
A l’instar du splendide dernier automne qui a sauvé un été maussade et qui a redonné le sourire à nombre de vignerons girondins, les derniers résultats économiques de la campagne de commercialisation 2006 – 2007 des AOC Bordeaux – Bordeaux Supérieur, la meilleure depuis cinq ans, a redonné l’espoir à beaucoup d’acteurs de la filière professionnelle. Premier témoin de ce redressement, le président Bernard Farges qui, sans tomber dans un optimisme excessif et tout en restant vigilant, ne cache pas une satisfaction toute légitime.
BS: Bernard Farges, président des AOC Bordeaux… Fait innovant à Bordeaux, premier président de la grande famille de la coopération. Enfin…
Les coopérateurs sont des viticulteurs… Rien d’anormal…
BS: Que représentent aujourd’hui économiquement sur l’échiquier Bordelais mais aussi Français les AOC que vous présidez ?
Les AOC Bordeaux, Bordeaux Supérieur et Crémant de Bordeaux, avec 63 000 ha, 6000 adhérents dont 3000 coopérateurs, représentent 53% de la superficie du vignoble bordelais et 15% des AOC Françaises.
C’est le premier vignoble français d’AOC. 3,3 millions d’hl de Bordeaux et Bordeaux Supérieur ont été commercialisés durant la dernière campagne 2006/2007, soit 60% des vins de Bordeaux exportés et les 2/3 des vins de Bordeaux consommés à domicile en France.
BS: Vous entamez votre deuxième année de présidence. D’emblée, vous avez enregistré une amorce de reprise. A quoi tient ce vrai retournement de situation?
Aux mesures collectives courageuses, uniques en France ainsi qu’à la véritable prise en main du problème par toute la profession. L’économie et la gestion de notre potentiel de production ont été, enfin, le préalable à toute autre action. La diminution de nos stocks par la restriction de la production et l’augmentation de nos ventes (encore trop faibles) sont les raisons de ce retournement de tendance.
BS: Cette tendance encourageante s’affine-t-elle en ce début 2008?
Après cinq mois de campagne 2007/08, le marché du Bordeaux rouge s’avère très actif, caractérisé par une hausse des cours du vrac tant sur le millésime 2006 que sur le 2007. Le prix du tonneau de Bordeaux rouge, aujourd’hui autour de 950 €, reste cependant encore trop bas pour permettre à la production d’investir.
Pour le Bordeaux Supérieur rouge, la tendance est également très satisfaisante, avec des prix qui se situent au niveau du haut de la fourchette du cours des ‘Côtes’.
En ce qui concerne les Bordeaux blancs, l’activité est également très soutenue avec des cours redevenus encourageants, liés à une petite récolte en volume à Bordeaux, comme dans les principales régions productrices de blanc en France. Enfin les Bordeaux rosés confirment leur dynamisme avec des prix toujours plus rémunérateurs que le Bordeaux rouge.
BS: Cette reprise s’affiche-t-elle aussi bien sur les marchés export qu’en France ?
Les exportations de l’ensemble des vins de Bordeaux ont progressé de + 3% au cours de la dernière campagne. Avec 1,13 million d’hl exportés sur cette même période, les Bordeaux et Bordeaux Supérieur, rouge, blanc, rosé, clairet et crémant, enregistrent une progression de + 6%.
Malheureusement, notre marché français reste en repli, malgré le redressement du Bordeaux blanc, le bon comportement des Bordeaux rosés et le succès des ventes en Bib.
Les derniers résultats chiffrés des exportations, connus à fin octobre, confirment la tendance favorable de la dernière campagne (+ 7% pour l’ensemble des vins de Bordeaux). A noter la performance des marchés émergeants de la zone asiatique et de la Russie qui aujourd’hui représentent 10 % des exportations de vins de Bordeaux et qui enregistrent des progression de + 50 %.
BS: A quoi attribuer la décrue des AOC Bordeaux en Belgique alors que sur la même période, on constate une augmentation aux Pays-Bas ?
Les Pays-Bas avaient chuté fortement depuis quelques années (volumes divisés par 2 entre 1998 et 2006 alors que la Belgique est restée quasi stable sur cette période, ce qui est exceptionnel sur l’U.E.). Amour, fidélité et connaissance des Belges pour nos vins, et forte présence des viticulteurs sur le terrain ont permis ce maintien, même si au cours de la dernière campagne ce sont les produits les moins chers qui se sont les moins bien vendus, il faut le reconnaître. Par ailleurs, attention aux achats transfrontaliers qui ne sont pas pris en compte dans les données douanières…
La Belgique reste cependant notre premier marché à l’exportation, en volumes, pour les Bordeaux blancs secs, les Bordeaux rosé et clairet, les Bordeaux Supérieurs (1/4 des exportations) et le 3ème en valeur.
2008, une année charnière au niveau des réformes pour la filière viticole. Qu’est ce qui va vraiment changer?
Beaucoup de choses ! Le point le plus important étant que le viticulteur n’aura plus à se précipiter pour faire agréer son vin quelques mois après la récolte (avant que le vin ne soit véritablement terminé d’ailleurs) dès lors qu’il sera ‘ habilité’ à produire l’AOC- c’est à dire qu’il aura souscrit l’ensemble des points du cahier des charges qui va remplacer les actuels décrets de nos appellations. Les vins seront contrôlés de manière aléatoire, chez tous les opérateurs- viticulteurs comme négociants, lorsque le vin sera prêt à la commercialisation. De plus, ces contrôles seront opérés par un organisme complètement indépendant des syndicats viticoles. Pour nous, ce sera Quali-Bordeaux qui vient d’ailleurs d’être créé .
BS: Les institutions Bordelaises mettent la main finale à une révision de la règlementation “ Château “. Une entrave à la liberté d’entreprise des uns ou un réel souci de valorisation de la notion de “ Château “?
Valorisation du château incontestablement (nous sommes passés de 13 000 à 9 000) les consommateurs ont confiance à cette notion. A nous de ne pas les décevoir. Nous irons plus loin dans les années à venir pour conforter cette image et justement permettre aux marques d’avoir leur vraie reconnaissance.
BS: Finalement ces mesures vont donc dans le sens d’une simplification de l’offre mais aussi d’une réelle protection du consommateur
Elles vont surtout vers une plus grande responsabilisation de tous les opérateurs, vers une modernisation et une fiabilisation des contrôles. Donc, au final, une plus grande garantie de qualité pour le consommateur.
BS: Comment les AOC Bordeaux pensent-elles dans l’avenir développer leur image en Belgique mais aussi aux Pays-Bas ?
Par d’avantage de visibilité et de proximité , donc de présence sur le terrain de la part des commercialisateurs, viticulteurs et négociants, mais aussi de l’Interprofession ou du syndicat pour venir en appui des opérateurs et particulièrement en direction du trade pour notre part.
BS: En deux mots, rien qu’entre nous, êtes-vous un président heureux???
JE NE SERAI UN PRESIDENT HEUREUX QUE LORSQUE JE SERAI UN VITICULTEUR HEUREUX…
CE N’EST PAS ENCORE LE CAS POUR L’INSTANT…
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