Accueil / Dossiers / New-York : le sauvignon blanc est un cépage majeur qui cristallise les attentions
Tout comme Paris n’est pas la France ni Londres, le Royaume-Uni, New York est un microcosme à lui tout seul. Néanmoins, les tendances naissent souvent dans les grandes villes pour ensuite se propager à travers le pays. Nous avons demandé à Tom Geniesse, caviste chez Bottlerocket à New York, d’expliquer la perception actuelle du sauvignon blanc parmi sa clientèle et d’identifier son potentiel de développement..
Pouvez-vous présenter brièvement votre magasin ?
Le magasin Bottlerocket existe depuis une dizaine d’années. Notre modèle économique vise à permettre à nos clients de faire des choix avisés en matière d’achat de vins et propose un environnement physique qui les aide en ce sens : nous proposons une gamme gérable comportant environ 500 références, comparés aux 5 000 que l’on trouve habituellement en magasin. Nous les présentons de façon classique – par pays – mais aussi en fonction des catégories traditionnelles et selon les besoins des gens, que ce soit pour faire un cadeau ou en vue d’une association met-vin. Chaque bouteille s’accompagne d’informations qualitatives et l’ambiance en magasin est soignée : il y a un espace enfants, un ‘arbre’ pour les chiens, des sols simples en ciment, nous passons de la musique rock et avons utilisé des matériaux de construction écologiques. Lorsque le client entre dans le magasin, tous ces éléments se conjuguent pour créer une atmosphère ludique et décontractée. On est loin des décors en acajou, des costumes-cravates et de certaines attitudes condescendantes. Bottlerocket est le caviste du peuple !
Quelle place occupe le sauvignon blanc dans votre sélection ?
Elle est extrêmement importante. Un grand nombre de New Yorkais en ont assez du chardonnay, qui était à l’origine, leur cépage de prédilection, et ont diversifié leurs préférences. Je pense que beaucoup d’entre eux ont remplacé le chardonnay par le sauvignon blanc comme cépage privilégié. Le sauvignon est cultivé dans le monde entier et offre une grande diversité de styles et de qualités. Il s’agit d’un cépage majeur, du moins pour ceux qui boivent des vins blancs.
Quel type de sauvignon blanc proposez-vous en magasin ?
Notre assortiment se compose de sauvignons du monde entier. En revanche, nous avons du mal à trouver de bons sauvignons en provenance de la Californie, car ils ont tendance à afficher un profil trop exotique et trop riche à notre goût. Nous ne commercialisons pas de sauvignon grec, parce que nous trouvons plus amusant de proposer d’autres cépages issus de Grèce. Le cœur de notre sélection provient de France, de vignobles américains de deuxième plan, d’Amérique du Sud – Chili et Argentine en tête – et bien sûr de Nouvelle-Zélande, autre source de sauvignons formidables.
Existe-t-il un seuil psychologique en matière de prix pour le sauvignon blanc ?
Notre gamme de prix est très étendue. Elle englobe à la fois des vins impressionnants à 10$, des Sancerre phénoménaux, et des Bordeaux blancs – bien sûr des assemblages – qui rivalisent avec les meilleurs du monde. Selon la période, notre assortiment évolue mais il va de l’entrée de gamme jusqu’au sommet de la pyramide. Je ne pense pas qu’il y ait de seuil psychologique au-delà duquel les consommateurs ne veulent pas s’aventurer pour le sauvignon blanc, ni de perceptions négatives. Les idées fausses rappellent celles qui touchent le chardonnay : « Je n’aime pas le chardonnay mais j’adore le bourgogne blanc ». Le Sancerre est parfois concerné par ce phénomène. Les gens sont disposés à dépenser plus s’ils estiment que la cuvée le vaut. Il ne s’agit pas d’un cépage où tout le monde recherche des premiers prix, comme c’est le cas du pinot grigio. En l’occurrence, on peut parler de barrière psychologique en matière de prix. Il en est de même pour le prosecco et certaines autres catégories.
Quels sont les styles de sauvignon blancs les plus en vogue actuellement ?
Sans l’ombre d’un doute, ce sont les vins de Loire et de Sancerre. Les consommateurs les perçoivent comme une valeur sûre : ils savent que les vins de Sancerre ont un côté acidulé avec de la minéralité et ils aiment ce mordant qui les caractérise. Ce profil gustatif est très à la mode actuellement, à la fois dans notre magasin et plus généralement à New York. La Nouvelle-Zélande est également une valeur sûre. La marque Cloudy Bay est la référence néo-zélandaise du point de vue gustatif, sa valeur intrinsèque étant renforcée par son prix jugé attractif. Les consommateurs sont prêts à débourser davantage pour s’offrir ce qu’ils considèrent comme un sauvignon blanc très qualitatif issu de Nouvelle-Zélande. Nous vendons une multitude de sauvignons blancs moins chers et la majorité des cuvées néo-zélandaises ne portent pas la marque Cloudy Bay, mais cet exemple confirme que lorsque les consommateurs sont satisfaits du niveau qualitatif du vin, ils sont disposés à y mettre le prix.
Quid des cuvées élevées sous bois ?
Je ne pense pas qu’elles soient recherchées actuellement. L’engouement pour les Sancerre semble indiquer une prédilection des consommateurs pour des vins acidulés, rafraîchissants et élevés en cuve inox. Certes, un amateur de chardonnay californien massif et tout en richesse pourrait s’orienter vers un sauvignon blanc au profil similaire, élevé sous bois. Néanmoins c’est une possibilité et non un phénomène de mode.
Le profil de sauvignon blanc recherché par les consommateurs a-t-il évolué au cours des dernières années ?
De plus en plus de consommateurs le choisissent comme leur cépage de référence en blanc. Ce phénomène s’est développé pendant les dix années d’existence de notre magasin, c’est un fait. Le consommateur américain recherchait traditionnellement des vins californiens, et parmi eux, les vins très boisés au profil classique. Cette tendance s’est désormais inversée. De nombreux œnologues ont beaucoup moins recours aujourd’hui à l’utilisation du bois. S’ils le font, c’est parce que le consommateur le demande. Je pense que les consommateurs qui se sont lassés du chardonnay se sont orientés avec grand plaisir vers le sauvignon. Nous sommes toujours à la recherche de produits novateurs et tendance donc toute nouvelle mode passe en général par notre magasin. Du point de vue du consommateur, le sauvignon blanc est un cépage majeur qui cristallise toutes les attentions.
Selon vous, quel est le concurrent direct du sauvignon blanc ?
Pour ce qui est des grands cépages, le chardonnay pourrait opérer une renaissance si les producteurs s’inspirent de ce qui se fait en Bourgogne. Autrement, je ne vois pas d’autre cépage qui pourrait dominer le marché de la même façon aux Etats-Unis. Nous sommes fiers de pouvoir proposer une gamme de vins variée et bien sûr, on ne boit pas toujours du sauvignon blanc. Nous sommes ravis de pouvoir proposer des nouveautés à des gens qui sont curieux et avides de découvertes provenant du monde entier. Mais si quelqu’un nous demande de suggérer un vin blanc qui puisse s’associer avec un dîner, d’emblée le choix se précise.
Quel avenir prévoyez-vous pour le sauvignon blanc en termes d’évolution gustative et d’occasions de consommation ?
Le sauvignon blanc est déjà tellement apte à se marier avec les mets et souvent élaboré de manière à pouvoir s’associer avec la gastronomie qu’il figure en très bonne place sur les cartes des vins des restaurants ; les amateurs de cuisine et les consommateurs le choisissent pour les mêmes raisons. La manière dont on le consomme ne devrait donc pas changer du jour au lendemain. Sa place est déjà bien assise, il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau, d’un savagnin du Jura par exemple, ou d’un cépage qui attire les ‘geeks’. Sa place est déjà tellement prépondérante que je ne le vois pas prendre une toute nouvelle direction. En revanche, le manque d’engouement en faveur des Bordeaux blancs reste pour moi, un grand mystère. Certes, ils correspondent généralement à des assemblages de sauvignon et de sémillon et rarement des mono-cépages. Mais ce sont des vins superbes – aptes pour certains à la garde – et malgré ce, ils ne sont pas reconnus à leur juste valeur il me semble par les consommateurs. Ce phénomène traduit peut être la relative désaffection dont souffrent les vins de Bordeaux : les consommateurs s’en lassent, notamment pour les rouges, et les mettent tous dans le même panier. Personnellement, j’adore les Bordeaux blancs. La région produit de grands vins depuis des lustres mais les grands noms monopolisent l’attention et font fuir les consommateurs avec leurs prix exorbitants. Pour revenir au sauvignon blanc en particulier, je pense que Bordeaux propose de vins dont la qualité, l’élevage sous bois et la capacité de garde ne sont pas reconnus à leur juste valeur.
Comment résumeriez-vous les raisons du succès du sauvignon blanc ?
Quel que soit son style, il offre des vins avec de la matière, à l’opposé des vins légers et fuyants. Ce cépage est extrêmement polyvalent et s’adapte à toutes les occasions – il peut se siroter en terrasse ou bien accompagner un repas raffiné.
Source : Sharon Nagel pour le Comité de pilotage pour favoriser les échanges sur le sauvignon
Les organisateurs du Concours Mondial du Sauvignon ont mis en place un comité de pilotage composé de 8 professionnels du vin ayant des compétences rédactionnelles et une connaissance du cépage. Ils constitueront, au fil des mois, un fonds documentaire dans lequel professionnels et consommateurs pourront aller puiser pour en savoir plus sur ce cépage aujourd’hui omniprésent dans le monde, mais qui n’a sans doute pas encore révélé toutes ses qualités et ses spécificités.
Les membres du Comité de pilotage : Sharon Nagel : journaliste freelance (Royaume-Uni/France) ; David Cobbold : journaliste à Vino BFM, Les 5 du vin (Royaume-Uni/France) ; Pedro Ballesteros : Master of Wine (Espagne) ; Roberto Zironi : chercheur-professeur (Italie) ; Valérie Lavigne : chercheur-professeur (France) ; Philippo Pszczolkowski Tomaszewski : œnologue-professeur (Chili) ; Paul White : journaliste au World of Fine Wine, Decanter (Nouvelle-Zélande, Etats-Unis, France) ; Roger Voss : journaliste au Wine Enthusiast.
www.cmsauvignon.com – Prochaine édition 3 & 4 mars 2017 à Bordeaux
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